ROHM
Un jardin à part entière, autrefois en dehors de la ville, où les riches industriels avaient l’habitude de se retirer et aujourd’hui rattrapé par la zone industrielle, mais toujours séparé par l’authentique mur de jardin: voilà le contexte que ROHM a pu se mettre sous la dent. Une mission qui a été confiée au cabinet par Hannibal, maître d’ouvrage et agence de publicité, qui bouillonnait d’idées pour son nouveau siège, mais qui s’est heurté aux écueils de la conception et de l’implantation du projet. En optant pour un volume compact, un troisième étage est devenu possible, permettant d’impliquer les grands arbres de manière optimale dans la conception. Une décision clairement bénéfique.
Le terrain qu’Hannibal est parvenu à dénicher pour sa nouvelle base d’opérations est tout à fait remarquable. Cet ancien jardin d’été jadis réservé à de riches industriels à l’extérieur de la ville se trouve aujourd’hui à la lisière de la zone PME, dans le port de Roulers. Pas de superbe panorama à l’horizon, certes, mais un cadre unique grâce à l’authentique mur de jardin et aux grands arbres matures présents sur le terrain. Hannibal avait déjà réalisé une ébauche de conception et dessiné l’intérieur du futur bâtiment avec le concours de l’agence créative amie Maister, mais les prescriptions urbanistiques ne leur ont de toute évidence pas facilité la tâche. Le maître d’ouvrage a donc décidé de faire appel à un architecte et leur choix s’est finalement porté sur ROHM. Sander Verhanneman: « L’implantation d’un nouveau volume et l’approche sur le terrain ne coulaient pas de source. C’est pourquoi nous avons longuement planché sur ce point avec Hannibal et Maister lors du processus de conception. Nous avons finalement décidé d’opter pour une empreinte au sol très compacte, ce qui nous a permis d’ajouter une troisième couche de construction et de préserver les arbres au maximum. Les cimes des arbres ont dès lors pu jouer un rôle important dans notre conception qui sort des sentiers battus conformément la nature du client. Hannibal est une agence relativement rock’n’roll; elle était donc partante pour le béton et notre architecture dépouillée, à la fois cool et économique. Sans fioritures inutiles, donc. »
Au moment de la conception, l’agence occupait 20 personnes, mais ROHM a tenu compte de la croissance future dans son projet. Tout sauf classique, le nouveau bâtiment peut accueillir environ 35 employés. Il répond à tous égards à la demande fun place to be qui avait été formulée. Avec son ouverture ronde dans un rez-de-chaussée entièrement fermé, l’entrée à elle seule interpelle déjà. Dirk Liekens: « Initialement, le volume était encore plus vitré, mais nous avions alors le sentiment de passer à côté de quelque chose. Nous avons trouvé plus intéressant et plus mystérieux d’opter pour un mur fermé au rez-de-chaussée avec une fenêtre coulissante à l’arrière, qui donne sur le reste du jardin. En même temps, cette approche fait écran aux voitures sur le parking. L’ouverture ronde en guise d’entrée et la paroi coulissante tout aussi inhabituelle reflétant l’environnement sont venues s’ajouter ultérieurement. Un détail frappant qui rend l’ensemble plus discret et se fond dans son environnement, en quelque sorte… Un brainstorming sur le nom de l’agence avait également donné lieu à l’idée d’intégrer une balle dans la conception. Une réponse appropriée – ajoutant une expérience, qui plus est, particulière – a été trouvée ici. En même temps, cette entrée montre immédiatement aux visiteurs de Hannibal où ils doivent se rendre, car le bâtiment est situé assez profondément sur la parcelle. »
Une fois à l’intérieur, l’expérience se poursuit. On se retrouve non pas dans un réfectoire classique, mais plutôt dans un bar élargi en contact direct avec le jardin. Un véritable espace de rencontre où les collaborateurs prennent un verre ensemble le vendredi soir ou viennent discuter des dossiers avec les clients. Le studio photo est tout aussi atypique. Les bureaux sont situés au-dessus, aux premier et deuxième étages, dans un espace ouvert. Ils ont été implantés sous la forme de quatre îlots de huit, néanmoins en lien les uns avec les autres autour d’une grande mezzanine. Les coins accueillent les salles de réunion, tandis que le bureau avec salon du directeur de l’agence fait également office de salle de réunion. Grâce aux grandes surfaces vitrées, les arbres environnants sont en quelque sorte conviés à l’intérieur. Depuis les bureaux, la cime des arbres fait oublier la zone industrielle environnante. Par ailleurs, sur le côté, au dernier étage, ROHM a prévu une « fenêtre d’observation » qui offre une vue unique sur la ligne d’horizon du port de Roulers et permet aux employés de réaliser où ils se trouvent exactement. Dirk Liekens: « Le cadre entraîne une certaine déconnexion. Ce jardin extraordinaire dans une zone réservée à des PME a permis de créer le caractère typique que l’on observe aujourd’hui, mais cet environnement est atypique par rapport au contexte industriel dans lequel il se trouve. Notre design laisse aussi bien transparaître un entrepôt en guise de bureaux qu’une villa dans un jardin. Et cette forme hybride résulte de la situation. »
À l’instar du concept, la matérialisation est également rock’n’roll. Des matériaux simples mis en œuvre de sorte à créer un ensemble de bureaux agréable. Le béton – dépouillé jusqu’à sa forme la plus basique – tient la vedette, même si l’on a veillé à ce qu’il reste traitable. « Nous avons cherché un équilibre entre le béton dépouillé en tant qu’élément esthétique d’une part, et les aspects fonctionnels et agréables du bâtiment d’autre part. Nous avons donc accordé une certaine attention à des propriétés telles que l’acoustique, mais il va sans dire que ce n’était pas notre priorité ni celle du client. La couleur grise du béton définit en grande partie le « look and feel » industriel et a été soulignée de quelques accents de couleur, notamment de teintes vertes rappelant l’environnement et créant également un sentiment d’intimité. » C’est ce qui explique la présence de jardinières qui font écho aux saules pleureurs de l’extérieur dans la mezzanine, entre les deux étages de bureaux. Des nuances de jaune et d’or dans les textiles contribuant à l’acoustique et habillant le bâtiment viennent compléter la palette. Deux murs d’armoires en placage bois ont également été ajoutés à chaque étage. Ceux-ci délimitent les salles de réunion situées à l’arrière et enveloppent chaleureusement les murs en béton, à l’unisson avec les arbres du jardin. Le même bois de bouleau a été combiné avec du terrazzo dans la cuisine du rez-de-chaussée, agrémentée de rideaux ton sur ton. La palette de couleurs plutôt sobre dans son ensemble a pour effet de souligner et de mettre en valeur la verdure environnante.
La structure du bâtiment repose sur des applications diverses du béton. Les murs ont été réalisés avec de très grands panneaux sandwich préfabriqués (les plus grands disponibles sur le marché, jusqu’à 10 mètres) tandis que tous les sols ont été coulés sur place. La construction brute faisant généralement aussi office de finition, une grande attention a été accordée à la préparation. Les plafonds ainsi réalisés ont également accueilli les techniques visibles, donnant au bâtiment son aspect industriel robuste. À cette fin, une gaine technique supplémentaire a été prévue dans le sous-sol afin que les techniques puissent longer des façades. Cette structure en béton a en outre été complétée par des murs-rideaux auxquels ROHM a apporté un certain rythme.
« L’exercice de réflexion entre nous qui, en tant qu’architectes, pensons sur le long terme et prenons en compte de nombreux paramètres, et le client qui a l’habitude de saisir la balle au bond et d’adopter une attitude plus racoleuse a été fascinant. Le bâtiment est une concrétisation de la convergence des deux approches. Et bien que nous ayons travaillé de manière très rationnelle, une certaine poésie a été ajoutée moyennant des interventions minimales, comme avec la porte d’entrée inhabituelle. Résultat: un bâtiment inspirant qui reflète la nature de ce client. Nous le devons aussi, dans une large mesure, à l’environnement sur lequel nous avons misé au maximum, notamment en désignant un chirurgien arboricole pour aider à implanter le bâtiment au mieux compte tenu de la végétation existante. Notons que les arbres jouent simultanément un rôle de climatisation et d’ombrage pour le bâtiment compact, réduisant ainsi la demande d’énergie. Le jardin mature fait de ce lieu un environnement de travail très agréable. Le cockpit, un espace caché avec un canapé-lit derrière un mur de placard au premier étage, où les employés peuvent se retirer un moment, constitue une autre particularité de ce bâtiment. Ajoutons à cela le bar, le jeu de fléchettes ou le sac de boxe dans le studio photo et le terrain de pétanque et le barbecue en plein air, et nous avons un véritable foyer axé sur l’expérience. Mad men n’est pas si loin et cela dans le quartier du port de Roulers (rires). »
Photos: Johnny Umans
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