Transform Architectuur

La mort fait partie de la vie. Les espaces de deuil sont donc aussi nécessaires. Mais en tant qu’humains, nous avons toujours du mal à accepter le départ d’un proche. L’architecture peut contribuer à briser ce tabou en intégrant le deuil de manière visible dans le paysage urbain. C’est exactement la mission que Transform Architectuur a relevée pour le nouveau salon funéraire des pompes funèbres De Ras, à Berlare. Conçu comme une maison contemporaine, le bâtiment abrite même deux appartements traversants, en retrait sur le volume supérieur. La conception d’un salon funéraire n’est pas une mission ordinaire. Le travail de l’architecte se confronte au départ à plus de questions que de réponses. Michael Van Maldeghem: « Le point de départ conceptuel a assurément été déterminé par le programme. Les premières séances avec le client ont permis d’élaborer un organigramme fonctionnel. La parcelle constituait par ailleurs un défi supplémentaire. Il s’agissait d’intégrer le projet sur un terrain en L entouré de maisons. La limite arrière de la parcelle présentait également une forme très irrégulière, un peu comme un éclair. Le programme étoffé nécessitait cependant d’occuper la parcelle au maximum. Nous avons donc dû faire preuve d’ingéniosité pour concilier les impératifs de discrétion d’un salon funéraire avec cet environnement. » Et faisant de nécessité vertu, Michael a trouvé une solution. Il a implanté un bâtiment rectiligne et rationnel sur la parcelle et aménagé les zones résiduelles entre le bâtiment et le mur biscornu du jardin en cours intérieures. De cette façon, il a également trouvé une orientation spatiale pour faire entrer la lumière du jour sans porter préjudice à l’intimité.

Intégrer un funérarium dans un quartier résidentiel n’est pas évident. Heureusement, l’urbanisme a validé la proposition de Transform Architecture. Le fait de combiner les fonctions en dotant le salon funéraire d’entités résidentielles a été considéré comme un atout. Celles-ci ont été construites en retrait dans le volume supérieur pour une distanciation subtile entre la partie funéraire et la partie habitat. Les appartements traversants disposent également d’une entrée distincte afin d’éviter tout contact entre les deux fonctions. Il va de soi qu’avec une longueur de façade de 30 mètres, le centre funéraire a une échelle plus imposante que les maisons environnantes. Pour éviter un effet trop massif côté rue, Transform Architectuur a choisi d’échelonner la façade et de la fractionner en différents modules liés aux fonctions sous-jacentes. « On obtient ainsi un assemblage de parties ouvertes (entrée et terrasses) et de parties fermées, les fonctions comme l’espace familial, les zones logistiques et le garage étant positionnées à l’arrière. Avec deux terrasses intérieures, les murs de façade sont également utilisés pour préserver l’intimité. La « zone de tension » existant entre le caractère intime du salon funéraire et l’agitation de la vie publique est ainsi annihilée. Lorsque le réaménagement programmé de la rue – mettant l’accent sur l’adoucissement et la végétation – sera achevé, l’intégration du projet sera encore renforcée. »

L’entrée principale du bâtiment se situe au niveau d’une zone d’entrée couverte et est directement reliée à l’espace de réception central, fonction publique par excellence du bâtiment. Elle fait donc office de tampon entre l’espace public et le funérarium. La zone de circulation, à laquelle sont reliées toutes les fonctions, a été aménagée le long de la façade arrière, entièrement vitrée. Ces fonctions sont donc ouvertes à l’arrière et fermées côté rue. La raison est également d’ordre acoustique. L’isolation acoustique est en effet une préoccupation majeure pour un projet comme celui-ci. D’où le choix d’une construction en béton massif plutôt qu’en bois et d’une forme en S au-delà de l’entrée, vers la réception, où le silence est prégnant. Pour optimiser l’insonorisation, des plafonds tendus et de la moquette ont été posés dans les chambres funéraires. Les tentures viennent parachever les efforts de préservation d’un silence absolu. Pour un service optimal et ayant à l’esprit que le deuil nécessite du temps, les familles peuvent venir se recueillir quand elles le souhaitent. L’espace familial, relié aux chambres mortuaires, fonctionne de manière entièrement autonome et est accessible aux familles 24 h/24 et 7 j/7 grâce à un code d’accès. Après les condoléances, les membres de la famille peuvent s’y rendre seuls ou en cercle intime. Cet espace familial a délibérément été aménagé de manière chaleureuse et familière, à la façon d’un salon d’habitation. Ce cadre de deuil plus décontracté constituait une attente importante pour le client.

Afin de pouvoir intégrer le funérarium harmonieusement dans l’environnement résidentiel, les architectes se sont tournés vers des matériaux contemporains et architecturaux. L’attrait du projet réside dès lors dans la matérialité. Le maître d’ouvrage avait déjà exprimé sa préférence marquée pour le béton apparent. Transform Architecture a associé ce matériau à du bois, une combinaison qui contribue à la conception robuste de la façade. Pour renforcer la sobriété des deux appartements de l’étage, une finition en aluminium noir a été choisie. Les deux terrasses apportent beaucoup de lumière dans les pièces de l’appartement qui le nécessitent. Grâce à une inversion des fonctions, le débarras, le mur de la cuisine et la salle de bains ont pu être placés derrière la façade aveugle, afin d’éviter les conflits de fonctions. La façade arrière, vitrée, du rez-de-chaussée laisse entrer la lumière naturelle par les patios triangulaires et livre ainsi une expérience agréable dans toutes les fonctions du funérarium. L’aménagement intérieur a été largement déterminé par cet aspect. Pour le reste, la fonction du bâtiment exigeait une approche plus sobre. Deuil et intérieur tapageur ne sont pas compatibles. Le béton est donc également présent à l’intérieur, qu’il s’agisse du béton apparent de façade ou du sol intérieur en béton poli pigmenté de noir. Comme à l’extérieur, la palette de couleurs est complétée par du bois afin de créer une certaine unité.

Avec un système basse température couplé à une technologie de pompe à chaleur, à des panneaux photovoltaïques, à une grosse unité de traitement de l’air qui refroidit aussi bien qu’il chauffe et à un système de ventilation de type D, tant dans le funérarium que dans les appartements, la performance énergétique du bâtiment est excellente. Une bonne orientation – la façade arrière vitrée est à l’est – limite également la surchauffe liée aux rayons du soleil. De plus, la demande de climatisation pour ce projet était de toute façon limitée. Dans une perspective à long terme, deux entrées ont été prévues et le rez-de-chaussée de 400 m2 peut être scindé en deux afin de permettre un changement de fonction(s) du bâtiment à l’avenir. Il en va de même pour les appartements de l’étage où seule l’enveloppe extérieure est porteuse. Ces interventions ont été mises en œuvre à la demande du client.  L’architecture du salon funéraire De Ras découle du contexte dans lequel le bâtiment a été construit plutôt que d’un souhait précis pour un style particulier. « Cela se produit toutefois de moins en moins. Ce sont généralement les méthodes de construction et la construction circulaire qui font l’objet d’une réflexion fondamentale et c’est sur cet aspect que se concentre le développement de l’architecture en Flandre. C’est une bonne évolution, car il est important de tenir compte de l’impact de nos constructions. Bien entendu, l’architecte tente d’associer cette approche de la fonction, du programme et du contexte à une conception esthétique dans les projets réalisés. Et il n’est satisfait que lorsque le puzzle s’assemble parfaitement, ce qui a assurément été le cas ici. »

Photos: Studio Bourgeat

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