CODELENOVI

(Coton_De Visscher_Lelion_Nottebaert_ Vincentelli)

CODELENOVI

Centre Keramis

Dans le centre historique de la cité industrielle La Louvière se trouve le Centre Keramis, tout près de la maison communale et du théâtre. Le centre de la céramique héberge un musée et un centre d’art et de création. Le bâtiment était terminé en 2015, s’érigeant des cendres du passé. L’épithète « ville industrielle » se réfère à la naissance de La Louvière, vers 1840, entre Mons et Charleroi. Là où, au Moyen Age, les églises ou les abbayes étaient le point de départ pour le développement d’une ville, au début du 19ième siècle, l’industrie , la présence de charbon, de voies ferrées et de canaux ont contribué à la naissance de villes nouvelles. Voilà justement les éléments qui ont convaincu la famille Boch de s’installer à La Louvière en tant que fabricants de céramique autour de 1841-1844. Le charbon était un combustible pour les fours, l’argile de Limoges arrivait via le canal, et le train transportait les produits finis jusque bien au-delà d’une Belgique récemment devenue indépendante. La Manufacture connaissait ses jours de gloire au début du vingtième siècle. 1300 ouvriers travaillaient sur le terrain de l’entreprise de 17 hectares, produisant 9000 tonnes de poteries, réparti entre de la vaisselle et de la porcelaine pour salles de bains.

Après la crise pétrolière et les débâcles économiques des dernières décennies du vingtième siècle, Royal Boch a été définitivement déclaré en faillite en 2011. A l’époque, plusieurs bâtiments marquants de la Manufacture, comme le bâtiment administratif à la limite sud du terrain avec sa façade orientée vers la ville, avaient déjà disparu. Afin de prévenir le pire et de rendre un développement possible, l’administration de la ville a défini le site comme zone de réhabilitation en 2005, avec pour but d’en faire un nouveau quartier mixte comportant logements, magasins, bâtiments culturels et espaces publiques. Dans ce cadre, l’Institut du Patrimoine Wallon et la Cellule Architecture de la Communauté ont lancé un concours pour la redéfinition d’une parcelle de 2060m2, en 2009. Sur la parcelle se trouvait une construction industrielle jumelée abritant trois fours à bouteilles classées, les seuls préservés en Belgique. Le souhait: créer un outil/objet pour la représentation, l’exercice, la communication et l’éducation de et autour de la céramique. 5 bureaux ont présenté un dossier. L’association Coton_De Visscher_Lelion_Nottebaert_ Vincentelli – CODELENOVI remportait le projet et était chargé de l’exécution. Au cœur du projet, le hall d’usine vide où trois cônes massifs en terre cuite s’élèvent jusqu’à presque toucher le toit. Les fours, classés comme monuments en 2003, donnent une impression de robustesse et à la fois de fragilité. Il s’agit des seules traces restantes du procédé industriel pour la cuisson de céramique. Le bâtiment englobant les fours et l’atelier avoisinant représentent le cadre matériel au sein et autour duquel toutes les nouvelles fonctions ont reçu une place.

La mission du Centre Keramis était très large: de la conservation d’une collection existante à l’organisation d’initiatives pour la promotion de céramique. L’ambiguïté dans les aspects différents de ce projet comportait un certain risque. Ainsi, la scénographie pour une exposition temporaire exige une autre approche que celle pour une exposition permanente, et la large gamme d’application de la céramique demande un travail de réflexion pour une approche diversifiée de la part du créateur. Tant des objets destinés à la production de masse que des objets de haute valeur artistique devaient recevoir leur place et leur partie de l’histoire au sein du bâtiment. La décision du maître d’ouvrage de cadrer le projet dans un projet complet combinant architecture, stabilité, techniques, scénographie, muséographie et conception de mobilier, était la réponse aux nombreuses questions qu’un projet aussi complexe faisait surgir.

Le concept fort est le résultat de la collaboration étroite entre architectes de bureaux différents, unis dans une association. Cette association de visions et de talents était probablement la seule garantie de succès dans la transformation d’une tâche compliquée dans un ensemble cohérent. Une nouvelle structure en béton se tortille autour du patrimoine en briques et accom- pagne les visiteurs à travers le bâtiment. Le plan semble inspiré d’un circuit de formule 1. Dans un autre hall, on organise des séances de lectures de contes dans les fours-bou- teilles alors que pour les autres, on peut s’y reposer en absorbant l’histoire du bâtiment. Tous les bancs, tables et vitrines ont été conçus par les architectes. La combinaison de métal, de textile, de verre et de bois ainsi que les détails parfois robustes, parfois fins se réfèrent à la tension entre le travail lourd et les méthodes de production industrialisées exigées pour obtenir un produit final d’une grande finesse.

Le rez-de-chaussée comprend également quelques locaux administratifs, une réception, un auditorium, une cafétéria et un atelier pour enfants. Pour se rendre à l’étage, on a le choix entre quelques escaliers à l’allure architecturale ou une pente qui vous emmène par une vue chronologique sur l’évolution de la céramique et du design à travers des pièces de collection. Une belle façon d’utiliser l’espace de façon optimale. A l’arrière de la nouvelle partie, à l’étage, on retrouve d’un côté un atelier donnant aux artistes une chance de travailler à des projets ‘en résidence’ et, de l’autre, une ex- position permanente avec des pièces uniques d’importants céramistes ayant travaillé pour Royal Boch, comme Catteau, D’hossche et Caille. On y retrouve également quelques perles de l’art nouveau et de l’art déco. La matière et la forme ont été source d’inspiration pour l’artiste Jean Glibert pour le dessin mural ornant l’enveloppe en béton du bâtiment. Un plâtrage appliqué en deux textures transforme le béton dur dans une peau douce avec une patine de vécu. La frontière entre dehors et dedans, entre pré- sent, passé et futur devient fluide, amorphe et douce. Cette peau protège le bâtiment pour l’avenir et porte les signes du passé. L’architecture comme tesseract: un outil d’unité à quatre dimensions. Peut-être l’exemple pour un développement plus avant de cette zone.

 

Texte: Johan Geerts
Photos: Maud Faivre & Marie-Noëlle Boutin

 

Atelier DE VISSCHER & VINCENTELLI
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