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La force d’un design naturel et minimaliste

 

« Dès qu’il voit un arbre, un enfant de 5 ans ne peut s’empêcher d’y grimper. C’est ce sentiment-là que j’ai voulu créer par cette maison ». Approche étonnante ? Non, elle décrit plutôt le fil conducteur de l’ensemble des projets dessinés par Bruno Erpicum, responsable de l’Atelier d’Architecture Bruno Erpicum (AABE), qui porte une attention particulière à la nature et aux matériaux naturels. B. Erpicum: « La tâche de l’architecte, c’est d’adapter la construction au terrain, et pas l’inverse. Les gens achètent un terrain avec son caractère propre. Quelle raison y aurait-il de concevoir un projet qui relègue cette spécificité au second plan ? ». Une philosophie s’appliquant à 100% à ce beau bâtiment à Sint-Martens-Latem (Gand).

Lors de l’achat, le terrain était déjà constuit: la maison existante n’était pas en bon état et ses fondations étaient très dégradées. Mais bien plus que son état, c’était surtout sa situation qui gênait Bruno Erpicum et qui l’a convaincu de sa destruction : située au sommet du relief, avec le toit dépassant la cîme des arbres du jardin, la maison dominait le terrain et ses reliefs. Un ensemble d’éléments qui ne correspondent pas à la philosophie de B. Erpicum, d’ailleurs très touché par le caractère du terrain, de son inclinaison et de ses deux grands arbres impressionnants. « Il fallait que la nouvelle construction soit soumise aux arbres et au relief, pas l’inverse. » Un croquis ne montrant que la forme rectangulaire de la maison, vue du ciel, et rendant leur place centrale à la pente et aux deux arbres, c’était tout ce qu’il fallait au futur habitant pour attribuer le projet à B. Erpicum. Ensuite, ce dernier n’a fait que prolonger le rôle central de la nature dans la réalisation du projet, et ce jusque dans les moindres détails.

 

La nature comme fil conducteur.

La nature se reflète dans tous les aspects du projet. Alors que la maison semble être embrassée par les deux arbres imposants, l’entrée accueille la pente comme son prolongement. La maison est aussi implantée légèrement au-dessus du sol, donnant l’impression de flotter. Le toit de la construction se trouve à la même hauteur que les branches basses. Force naturelle essentielle, le soleil détermine la position du bâtiment et l’organisation des différentes pièces : le résultat forme une construction rectangulaire orientée d’ouest en est, avec les chambres à coucher vers le nord et les salles à vivre vers le sud. Malgré la grande surface exposée au sud, les quatre faces de la maison sont presque entièrement vitrées, choix rendu possible grâce à la nature et aux branches des arbres transformées en pare-soleil naturel côté sud. Les chambres à coucher, quant à elles, sont orientées vers le nord et sont donc bien protégées du soleil, mais s’ouvrent largement sur la nature ensoleillée grâce au toit bas. L’espace d’entrée est la seule partie de la maison sans vitrage. Au contraire, avec ses pierres noires et son toit débordant, il s’agit d’une pièce peu lumineuse. La porte d’entrée semble littéralement accueillir ses visiteurs par ses deux grands bras en schiste noir. Inspiré de l’architecture japonaise, cet espace d’entrée, sombre, invite le visiteur à marquer une pause, avant d’être replongé dans la nature grâce aux nombreux vitrages qui entourent les autres espaces.

 

Promenade dans la nature

Vu la philosophie de B. Erpicum, il est difficile de s’étonner de l’omniprésence de la nature dans chaque pièce de la maison. Grâce à sa forme rectangulaire avec de grands vitrages des quatre côtés, on a, à tout moment, l’impression de se promener à l’extérieur. En témoigne le “couloir” coupant la maison en longueur, qui s’apparente plus au mariage d’une galerie et d’un chemin de forêt. Le côté nord de la construction, où se trouvent les chambres à coucher, donne sur l’eau. Celle-ci joue au mieux son rôle de force naturelle : cette « douve » assure le sentiment de sécurité des chambres à coucher, tout en leur donnant une vue sur la nature. En plus, elle se prolonge par la piscine, qui est implantée dans le sens de la maison et en souligne sa forme simple et rectangulaire. La piscine crée aussi un jeu naturel intéressant, avec l’eau ondulante qui reflète le soleil sur le plafond intérieur blanc. Les espaces intérieurs accueillent la nature, de sorte qu’on a constamment l’impression de se trouver à l’extérieur. Il suffit de regarder les encadrements du vitrage, dont seules les parties verticales sont visibles alors que les parties horizontales sont entièrement intégrées dans le sol et dans le plafond. La nature et la simplicité ont également joué un rôle déterminant pour le choix des matériaux. Les schistes noirs de l’entrée s’utilisent aussi pour les murs intérieurs. Ils sont combinés avec un plancher en bois à lames fines posées dans le sens de la maison. Le même revêtement en bois s’utilise également pour le bureau et pour les portes intérieues. Ainsi, on ne retrouve que trois couleurs dans la maison : le schiste noir, le plancher brun sombre et les murs blancs. Un minimalisme soigné, ayant comme seul but d’attirer toute l’attention à l’extérieur et vers la nature environnante. Le schiste noir était un choix très conscient. Les dalles fines horizontales confèrent un caractère naturel à la maison, mais elles créent aussi des effets lumineux impressionnants sous l’influence des forces naturelles. Sans luminosité, elles sont noires et foncées, alors que l’eau et la lumière leur offrent une belle réflexion et même un scintillement.

 

Intégration de la technique

Ci-dessus, nous avons déjà mentionné les cadres horizontaux cachés des chassis, preuve de la recherche continue de B. Erpicum et de son bureau AABE d’intégrer au maximum la technique dans les projets. La conception de robinets, portes et interrupteurs et autres éléments très minimalistes représente d’ailleurs presqu’un travail à temps plein pour certains collaborateurs du bureau. Cette quête de la simplicité se reflète dans tous les détails de cette maison à Sint-Martens-Latem. La journée, les espaces intérieurs sont parfaitement éclairés de manière naturelle, alors que tous les éléments d’éclairage artificiel ou de sonorisation sont cachés dans les plafonds et au-dessus des murs. Le meilleur exemple de cette synthèse entre design épuré et intégration des techniques est certainement la gorge au-dessus de la cuisine, cachant toutes les fonctions techniques : éclairage, ventilation et enceintes audio. Autre preuve d’une très grande attention aux détails, notons le plan de travail de cuisine d’une longueur de 8 mètres, qui, contre tout avis, a été conçu en une seule pièce. Ces différents détails témoignent du design intemporel et minimaliste de ce projet à Sint-Martens-Latem. Bruno Erpicum pense que les détails et la technique nous éloignent de la beauté. Or, selon l’architecte, la conception d’un bâtiment ne peut jamais déranger la beauté de la nature. Dans la même perspective, la beauté d’une oeuvre d’art ne peut être perturbée par des détails comme des prises et des interrupteurs. Tout comme des poignées ou des gardes-corps ne peuvent abîmer la pureté d’une porte ou d’un sol.

 

Texte: Arjan Kwakkenbos
Photos: Jean-Luc Laloux

 

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