B-architecten

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Le bois largement mis à l’honneur

 

Mundo-a est un nouvel immeuble de bureaux « bioécologique » et passif, situé sur la Turnhoutsebaan à Anvers, qui opère une synthèse intelligente de toutes les nouvelles évolutions du monde de la construction et des affaires. Le maître d’ouvrage, Ethical Property Europe, définit l’immeuble de bureaux comme bioécologique, passif, éthique et alternatif. Stéphanie Collier, architecte et chef d’équipe chez B-architecten, nous raconte comment tous ces grands principes ont été traduits dans l’architecture de ce bâtiment particulier.

Suite, entre autres, à la Directive européenne relative à la prestation énergétique des bâtiments, le monde de la construction s’achemine vers l’un des plus importants changements de mentalités de son histoire depuis de nombreuses décennies. Mais le changement dont nous sommes témoins ne concerne pas que la consommation énergétique; en matière de durabilité, d’utilisation des matériaux, d’économie et de fonctionnalité des bâtiments, une évolution certaine et irrépressible est de plus en plus tangible. Les concepteurs et les exploitants sont mis au défi de suivre cette évolution de très près. Il est en effet essentiel de savoir faire preuve d’inventivité conceptuelle et de flexibilité matérielle pour mettre ce nouveau mode de pensée en pratique. Mais les promoteurs professionnels jouent également un rôle important dans ce processus; ils portent une responsabilité certaine dans la définition pratique de concepts comme la durabilité et la bio-écologie, perdus au sein d’un vocabulaire marketing souvent trop superficiel.

Stéphanie Collier: « Ethical Property Europe est un promoteur à part dans le monde de la construction. Ils combinent les investissements éthiques avec les principes de la construction bioécologique en faisant preuve de beaucoup de cohérence. Leurs bâtiments sont des centres dans lesquels toutes sortes d’organisations de la société civile se rassemblent sous le même toit, créant un vivier propice aux échanges d’idées et de compétences. C’est ainsi que les centres Mundo (à côté de Mundo-a à Anvers, ils ont également construit Mundo-b et -j à Bruxelles, Mundo-n à Namur) deviennent des noyaux de changement sociétal. Les expériences qu’ils ont accumulées grâce à leurs projets antérieurs et la réflexion active constante à toutes les étapes du processus de construction ont constitué une expérience positive et une aide précieuse à la réalisation des principes de construction bioécologiques. »

 

Un bâtiment en bois servant de passage vers dautres bâtiments

Par ailleurs, le projet portait, en soi, encore d’autres défis à relever pour B-architecten et pour l’entrepreneur THV D’Hulst – THYS. La localisation du projet dans une rue commerçante animée, le désenclavement ultérieur à prévoir, la contrainte de laisser à tout moment libre l’accès à l’annexe de l’EcoHuis (à savoir l’Ecocafé) située derrière le bâtiment et la présence d’infrastructures souterraines faisant partie du métro furent autant de contraintes à prendre en compte dans le développement de ce projet, rendant sa réalisation particulièrement complexe. Le terrain à bâtir fut laissé en friche pendant longtemps et servait juste de parking pour l’EcoHuis, le bâtiment implanté dans le renfoncement de la Turnhoutsebaan. La visibilité ultérieure depuis cette rue commerçante et l’accessibilité de ce bâtiment aux visiteurs, mais aussi aux services d’urgence (comme les pompiers par exemple), ont obligé les promoteurs à surélever le bâtiment par rapport au niveau du sol. En sus des contraintes déjà citées, la société de transports en commun de Lijn a exigé que la sortie de secours actuelle, au rez-de-chaussée en-dessous de Mundo-a, puisse à l’avenir être transformée afin d’accueillir l’entrée d’une nouvelle station de métro. Une hauteur minimale de 6 mètres est dès lors nécessaire pour pouvoir installer des escalators, au moment où cette sortie de secours sera décloisonnée. En outre, les fondations du bâtiment ne pouvaient s’appuyer que sur un nombre réduit de points, car les infrastructures souterraines du métro n’ont pas la portance suffisante pour pouvoir soutenir une construction de cette importance implantée par-dessus.Collier: « Pour pouvoir répondre à toutes ces exigences et circonstances particulières, nous avons décidé de développer un bâtiment en surplomb, dont l’espace vide au niveau du rez-de-chaussée permet de traverser en une fois la parcelle de 30 mètres de large. Deux disques en béton, à côté des bâtiments contigus, portent trois grandes structures en bois de 4 étages de haut. Ils forment la base de la nouvelle construction. En procédant de la sorte, il n’était pas nécessaire de prévoir des colonnes additionnelles, ce qui a permis d’aménager la surface située sous le volume « suspendu » en place publique. C’est en quelque sorte un petit havre de repos dans cette rue animée, une zone intermédiaire qui sert de passage pour gagner l’EcoHuis, l’EcoCafé et le futur EcoTuin et donne accès au nouveau projet Mundo-a et éventuellement, plus tard, au métro. »

Nous commençons notre tour d’horizon de ce bâtiment à l’empreinte écologique aussi réduite que possible en empruntant le noyau fixe dans lequel s’articule la circulation verticale, et dans lequel se trouve aussi le bloc sanitaire, pour gagner la terrasse de toit dotée d’une partie aménagée en jardin, au cinquième étage. Cette terrasse sépare la salle de réunion de l’espace technique et constitue une plus-value énorme pour le projet. Loin au-dessus de l’agitation de la ville, vous pouvez profiter d’une belle vue qui embrasse le quartier de Borgerhout et ses environs.

 

Le bois en tant que matériau de construction et de finition

Dans la cage d’escalier, le concept bioécologique se remarque au premier coup d’œil. Le plafond, les parois et l’entièreté des escaliers ont été réalisés en bois. Pour les parois et l’escalier, on a utilisé des panneaux en CLT (cross laminated timber), construits à partir de plaques massives thermoliées en bois de conifères européens labellisé FSC. Où que vous alliez dans le bâtiment, les énormes treillis dans lesquels les massives poutres à treillis en bois sont liées entre elles et avec le plancher par des nœuds de marin en acier ne manqueront pas d’attirer votre regard. Ces treillis ont ceci de particulier que chaque élément a été dimensionné individuellement en fonction des forces à l’œuvre en son sein, de manière à éviter le gaspillage de matériaux. Le placement des structures à treillis de 30 mètres de long sur les disques de béton fut un travail de titan, qu’il a fallu mener de nuit pour des raisons pratiques: en effet, il a fallu arrêter la circulation dans la Turnhoutsebaan et déconnecter temporairement les caténaires du tram. Les planchers des étages ont été réalisés en bois, en fait en éléments de Kerto-Ripa remplis de flocons de cellulose. La finition des éléments correspondait directement à la finition tout court. Tous les plans visibles qui ne sont pas soumis à une usure normale n’ont pas fait l’objet d’un vernissage de finition. L’utilisation durable des matériaux va de pair avec la facilité de démontage des structures en pensant à leur usage présent mais aussi futur.

Une autre constante qui se retrouve dans tout le bâtiment, c’est la visibilité sans compromis de toutes les parties techniques. Et il faut prendre cette affirmation au pied de la lettre. L’installation électrique est bien apparente dans la construction. Les canalisations d’arrivée et d’évacuation des éléments de chauffage, et même les gros tuyaux et collecteurs de la ventilation ne sont pas dissimulés dans des faux-plafonds ni dans des goulottes. Il faut le temps de s’y habituer, mais c’est un choix logique et responsable, qui correspond à la vision du maître d’ouvrage et se retrouve décliné dans la totalité du concept. Une architecture juste et honnête, en quelque sorte… Dans le choix des matériaux de finition, la même philosophie est également d’application. Que ce soit pour la moquette des bureaux ou pour le linoleum des parties communes, tout est certifié d’un bout à l’autre de la chaîne. Les cloisons sèches qui séparent les bureaux du couloir ont été livrées par Rotor Deconstruction, une entreprise spécialisée dans les matériaux de construction circulaires.

 

Un écran avec vue sur lenvironnement urbain

Au niveau de l’aménagement, il y a deux types d’étages. Les étages 1 et 4 possèdent un système de circulation centrale avec une zone de bureaux en façades avant et arrière, tandis que les étages 2 et 3 sont pourvus de plus grands bureaux logés en façade avant et d’espaces communs en façade arrière. Juste au-dessus de la zone d’accueil du rez-de-chaussée, il y a un entresol aménagé dans le noyau fixe pour accueillir la salle de réunion qui fait généralement forte impression sur tout le monde. Abritée sous la grande travée, elle offre une vue panoramique à 270 degrés sur la rue, la place publique couverte, le jardin municipal écologique encore à aménager et l’EcoHuis, mais tout cela à 3 mètres au-dessus du niveau de la rue. Vous aurez l’impression de regarder un écran panoramique. De quoi méditer et comprendre bien des choses. Le choix de maintenir libre toute la largeur de la parcelle et de travailler avec une construction en surplomb et un passage a donné des migraines à toutes les parties concernées par ce chantier, mais le résultat est particulièrement réussi. Collier: « À coup sûr, ce projet n’avait rien d’évident. La localisation, le choix d’une méthode de construction spécifique faisant appel au bois en tant que matériau de construction primaire au lieu d’opter pour des matériaux classiques convenant a priori mieux pour de telles applications, à savoir l’acier et le béton, et le souhait du maître d’ouvrage de laisser toutes les canalisations et parties techniques apparentes étaient autant de chausse-trapes qu’il fallait éviter pour réaliser un tout cohérent et harmonieux. Chez B-architecten, après avoir remporté ce concours, nous nous sommes attelés à ce défi avec autant d’enthousiasme que de dévouement. Le dynamisme et l’expérience du maître d’ouvrage pour faire de ce projet d’immeuble de bureaux un exemple à suivre de construction bioéconomique et passive ont été contagieux. En collaborant avec lui, nous avions la volonté inébranlable de rechercher toutes les solutions alternatives possibles. »

Le résultat, c’est un projet bien particulier à l’aura charismatique. Les fenêtres en bandes sur la façade recouverte de panneaux verts en céramique mettent l’accent sur le concept de passage horizontal du bâtiment et montrent des détails fragmentaires des structures à treillis. Elles symbolisent la dynamique constructive sous-jacente et la volonté de toutes les parties impliquées dans ce projet de réaliser quelque chose d’unique. L’ensemble représente une plus-value certaine, pour le quartier comme pour la ville.

Texte: Johan Geerts
Photos: Ilse Liekens, Nick Cannaerts

 

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