LD2 Architecture

LD2 Architecture

Derrière l’apparente simplicité de ce « petit » projet de hall d’entrée, un concentré de réflexion, de défis techniques et de créativité

Au départ, une demande toute simple de la part du propriétaire, Befimmo: refaire le hall d’entrée de la Blue Tower de l’avenue Louise à Bruxelles. L’ancien manque en effet d’étanchéité, il souffre d’infiltrations multiples, de courants d’air incessants et fait très mauvaise impression à ceux qui y passent. À l’arrivée: un hall d’allure simple, légère et lumineuse au pied d’une tour massive de cent mètres de haut. Entre les deux pourtant, le travail aura été long, ardu et passionnant comme nous l’explique Frédéric Devos, un des trois partenaires du bureau bruxellois LD2
Architecture.

 

Aborder le projet de manière ludique en prenant le contre-pied de ce qui existait

Face à la demande du propriétaire, Frédéric Devos explique que la marge de manœuvre des architectes était réduite. Il fallait en effet respecter l’existant, le gabarit, la surface, tenir compte de l’avis des pompiers – puisqu’il s’agit aussi d’une sortie de secours – prévoir l’accès aux personnes à mobilité réduite et enfin donner une place à toute la technologie inhérente à ce type de lieu d’accueil à savoir le lecteur de badges, la vidéoparlophonie… Frédéric Devos mesure en revanche la chance qu’il a eue de n’avoir ni timing serré ni budget strict et définitivement fermé. Befimmo offrait sur ces points, et c’est assez rare pour le souligner, une belle liberté.

Sur cette base, les architectes de LD2 ont à tout prix voulu exprimer un concept et éviter de reproduire en petit le monolithe abstrait de la tour. Aussi, pour faire vivre ce petit volume au pied d’une tour imposante de cent mètres de haut et éviter le mimétisme, les architectes de LD2 Architecture ont posé sur leur projet un regard ludique cherchant à exprimer l’inverse de la tour. À sa verticalité ils opposent des lignes obliques ; au côté sombre de ses fenêtres, ils répondent avec de la lumière par le biais d’un vitrage transparent, d’un marbre blanc de Carrare et de Corian ajouré pour créer des jeux de lumière; à la structure intérieure, ils opposent un exosquelette avec un mur-rideau intérieur. À cette première réflexion s’en ajoute une autre: LD2 Architecture n’oublie pas que la Blue Tower est, avec l’IT Tower et la tour Generali, un élément phare de l’avenue Louise. Cette idée de phare va donc, elle aussi, guider le tracé de leurs croquis. Celui-ci évoque, surtout la nuit quand les lumières du hall s’allument, l’idée d’une lanterne géante posée là comme pour orienter les passants.

 

Après un an d’élaboration de croquis, un an dessais, de prototypages, de mock-ups

L’aventure de ce hall aura surtout été dense au niveau de la réflexion préparatoire. Car une fois les croquis approuvés, y compris par le service des pompiers intégré dès le début au projet afin d’éviter toute mauvaise surprise au stade de la construction, il fallait arriver à faire entrer l’image dans la réalité. Et c’est là qu’une formidable aventure de collaboration entre différents acteurs s’est mise en place. Au total, elle durera un an! D’abord collaboration avec le bureau d’étude en stabilité Greisch. Ses ingénieurs ont aidé LD2 à garantir la stabilité du hall sachant qu’il fallait construire sur des socles existants et dès lors pas forcément placés aux bons endroits. L’exosquelette permet ainsi de reporter les charges, de gérer le porte-à-faux et d’avoir une structure auto-stable. Par ailleurs, pour reprendre les appuis existants et surtout éviter toute fissure, certaines branches des losanges fonctionnent en traction. Sans oublier que, pour éviter que la couronne ne s’ouvre, un grand tirant en relie les deux extrémités dans sa partie rectiligne collée au bâtiment.Ensuite, des appels d’offre ont été lancés pour réaliser les prototypes des éléments de l’exosquelette. L’idée ici était double: chercher à maîtriser les coûts avec, autant que possible, des éléments préfabriqués, mais aussi étudier le placement des joints puisqu’il s’agit ici d’emboiter les éléments en oblique, ce qui n’est pas fréquent! Cette réflexion sur les raccords a ainsi débouché sur la mise au point d’un système inédit d’emboitement. Une originalité due aussi au fait que le squelette n’est pas seulement visible depuis sa face externe, mais aussi depuis l’intérieur du bâtiment. Résultat: aucune tolérance pour les prototypes! Ils devaient correspondre au millimètre près aux fichiers en 3D. Voilà pourquoi, une fois n’est pas coutume, LD2 s’est intéressé de très près à la question des coffrages. Ceux-ci s’abîmaient malheureusement assez vite ce qui se voyait dans le béton. Pour éviter de reproduire un coffrage unique par élément, mais aussi de rendre visibles ces défauts, décision a été prise de polir manuellement chaque élément de structure produit. Des éléments en béton extra blanc rendus ultra-lisses avec ce polissage et conservant ainsi leur blancheur lumineuse.

 

Un sens du détail très poussé débouchant sur une géométrie ultra complexe

Une fois la question du placement des joints étudiée et celle des différents éléments à produire pour l’exosquelette, LD2 a décidé d’ajouter un joint creux sur les éléments. L’idée? Ajouter une certaine légèreté à la perception du volume. C’est avec ce même objectif de légèreté apparente qu’un joint creux est également aménagé sous la couronne afin de produire l’impression qu’elle est posée là comme en apesanteur. Et ce n’est pas tout! Sur la base des prototypes, il a été décidé de créer des sections trapézoïdales pour que la pluie ne laisse pas, à chaque extrémité, une trace noire sur son passage. Avec une volumétrie en légère pente vers l’arrière, la pluie s’évacue vers l’intérieur ce qui n’est pas problématique puisque, de l’intérieur, la structure, toujours vue en contre-jour est perçue comme noire. Mais la structure en béton n’a pas été la seule à bénéficier d’un soin méticuleux. Le vitrage, collé, cintré, feuilleté et double devait, lui aussi, participer à la légèreté de l’ensemble. Ainsi, pour éviter de gros montants il est suspendu à des poutres en acier, comme du linge sur sa corde, précise Frédéric Devos. Ce vitrage a pu aussi rester transparent car les différentes couches (exosquelettes et peau en Corian reprenant les motifs de l’exosquelette) viennent, par jeux d’écrans, limiter les apports solaires.

 

Après deux ans de réflexion et de prototypage, un chantier rapide, mais pas facile pour autant

L’avantage d’intégrer dès le début du projet les pompiers ou encore de travailler avec des prototypes est de ne laisser aucune place à l’improvisation. Pour autant, le chantier est resté lourd et complexe à gérer. D’abord parce qu’il fut décidé d’ouvrir l’esplanade à l’avant, d’en retirer, par exemple, les bacs à fleurs pour donner de l’envergure à l’espace.  Ensuite parce qu’il fallait communiquer avec les occupants, mais aussi, bien sûr, respecter le planning, installer des dispositifs provisoires puis travailler de manière compartimentée. Un sacré défi!

Mais au bout du compte, il y a une entrée tellement réussie que les occupants pensent eux-mêmes que toute la tour a été rénovée! Il y a une entrée d’apparence simple qui concentre toute une série de défis techniques et conceptuels relevés grâce à la confiance d’un client très ouvert et aux équipes positives et passionnées que LD2 a formées, entre autres, avec Greisch ou le maître d’ouvrage.  

Texte: Chantal Ernst
Photos: Marc Detiffe

 

 

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