MODULO architects

janvier 8, 2020

MODULO architects

By Nick

Un projet architectural peut-il faire avancer la médecine?

Le projet de l’IPI, conjointement mené par MODULO architects et GAF (bureau d’architecture hollandais spécialisé dans le domaine hospitalier), est de ceux qui font avancer l’hôpital d’aujourd’hui vers l’hôpital 2.0. Car au-delà d’une demande et d’un programme mis en place par les Cliniques Saint-Luc et leur partenaire Valisana pour les besoins de leur concours, il y eut un réel échange avec les concepteurs du bâtiment. Parmi eux, Olivier Barré (associé sénior de Modulo) et Lieselot De Rore (project-architect chez Modulo). Tous deux mesurent à quel point ce dialogue ouvert est constructif et permet l’émergence d’un projet de qualité. Une qualité très supérieure à ce qui existe encore majoritairement aujourd’hui chez nous en matière d’instituts psychiatriques.

Un projet architectural conçu comme un élément du processus thérapeutique

Sur un terrain qui jouxte d’un côté les Cliniques Saint-Luc et de l’autre une zone Natura 2000, le pouvoir adjudicateur du projet, à savoir les Cliniques Saint-Luc et Valisana, souhaitait ériger un Institut de Psychiatrie Intégré. Si côtoyer une zone nature peut être vu comme une contrainte, il a été d’emblée pris comme un élément dont l’IPI pouvait tirer avantage et toute l’étude s’est faite, entre autres, en lien avec cette zone Natura 2000. Il
faut dire que ce lien avec la nature correspondait bien à l’approche plus progressiste de Modulo qui a fait le choix, immédiatement suivi par le pouvoir adjudicateur, de concevoir un projet autour d’une approche thérapeutique plutôt qu’au regard de chiffres de rentabilité. Car si Modulo se définit comme un technicien de l’architecture, sa réponse architecturale se met toujours au service de l’outil. Une hyperspécialisation dans le domaine de l’hospitalier qui se double généralement d’une grande attention au volet économique des projets traités.

Une réponse architecturale articulée autour de l’humain et de la nature

Bien que d’exécution plus onéreuse, la typologie de la courbe a été choisie pour ses indéniables qualités thérapeutiques. La douceur qu’on en ressent rejaillit en effet sur la thérapie mise en place. De plus, ce bâtiment composé de trois ailes s’ouvre, en son côté Ouest, sur la zone Natura 2000, offrant ainsi à ses occupants le ressenti d’être à la campagne. Du côté des voies d’accès, le bâtiment est fermé. Chaque aile a son attribution: une aile est réservée aux adultes ; une autre se destine aux enfants de 0 à 18 ans tandis que le bâtiment central constitue une aile mixte dédiée à la recherche, aux consultations et à l’enseignement. Entre les courbes et l’ouverture sur la nature, deux éléments clés de ce projet, l’ambiance générale du bâtiment nous emmène à mille lieues des ambiances plus carcérales communément admises aujourd’hui pour les centres psychiatriques. Ici, la recherche va vers une humanisation du lieu. On n’y trouvera pas de « cachot » pour patient en crise, mais une chambre parfaitement assurée et aménagée pour ce type de cas. Une nuance de taille!

Des zones délimitées en douceur et en vert!

Si l’ensemble du parc se doit d’être clôturé, tous les aménagements se font en douceur, à travers des jeux de patios, de jardins, de petits parcs et de terrasses. C’est de cette manière délicatement irrégulière, que la zone enfant est séparée de celle des adultes, par exemple. La courbe tient ici aussi une place de choix puisqu’elle adoucit l’ensemble et crée une atmosphère plus familiale pour une centaine de lits. Grâce à la création de ces petits espaces tous différents les uns des autres, chacun pourra trouver un endroit personnalisé pour prendre l’air et se connecter à la nature. Celle-ci se retrouve d’ailleurs jusque sur les toitures végétalisées. Cette création d’espaces non standardisés et quasi personnalisés concerne, bien sûr, aussi les chambres. Toutes tournées vers la nature, elles visent à ce que chaque patient s’y sente fondamentalement chez lui. Cette personnalisation crée un espace de qualité pour chaque patient, avec un équilibre entre l’intimité et le contact avec le monde extérieur. Elle donne aussi un sentiment de liberté même si les droits de certains patients sont parfois limités par ordonnance d’un juge. On l’aura compris, cette personnalisation des espaces participe à la performance de l’outil. Et les architectes de Modulo sont bien conscients qu’ils doivent travailler sur tous les leviers qui participent à cette performance. Voilà pourquoi leurs tracés prennent en compte les patients comme les équipes médicales et la famille.

De la nature, du bois, du verre et un bâtiment HQE

Impossible aujourd’hui de concevoir un bâtiment sans tenir compte de sa consommation d’énergie et de ses émissions de CO2. Une grande partie de l’énergie du bâtiment vient de la géothermie par forages. Des dalles actives gèrent les échanges thermiques pour réchauffer ou rafraîchir les chambres. Des plafonds radiants sont utilisés pour les mêmes fonctions dans des salles qui ne sont pas toujours occupées (salles de cours, bureaux…) et demandent un système plus rapide que les dalles actives. Pour optimiser sa performance énergétique, le bâtiment est bioclimatique et chaque façade est étudiée selon son orientation. Le projet s’est concrètement inscrit dans une démarche « Haute Qualité Environnementale » (HQE). L’IPI se veut également exemplaire au niveau de sa gestion du maillage bleu. Résultat: le projet prend en charge la gestion de ses eaux de pluie mais aussi celle des bâtiments voisins. Ceci passe par la création de noues pour accueillir les eaux pluviales qui formeront temporairement des mares d’où l’eau s’évaporera et s’infiltrera dans le sol. Autant d’eau qui n’ira pas aux égouts. Un bon point au niveau de la gestion de la ville! Notons que ces eaux ne peuvent pas venir alimenter les sanitaires eu égard aux règles, notamment d’hygiène, en vigueur dans le secteur hospitalier. Le choix du bois pour la plupart des façades est, lui aussi, un choix thérapeutique. Naturel, le bois a un effet apaisant, mais souvent il vieillit mal. En décrivant dans son projet des performances spécifiques, les architectes de Modulo espèrent orienter le choix vers une réponse du type Accoya®, un bois qui a déjà été utilisé pour sa stabilité et sa durabilité élevée dans la construction de la Tour Laennec, centre universitaire de recherches biomédicales et centre de médecine générale d’urgences des Cliniques Saint-Luc. À ce bois répondent certaines parties en tôle d’acier. Une manière d’éviter la monotonie des façades qui seraient exclusivement en bois et de distinguer, dans la lecture du bâtiment, des zones réservées aux patients de celles dédiées à l’enseignement, par exemple.

L’IPI concrétise une approche plus centrée sur les besoins de l’humain

Dans le paysage hospitalier d’aujourd’hui, l’IPI fait un grand pas vers l’hôpital 2.0. Car le Human Centered Design pratiqué par Modulo cherche à améliorer l’état de bien-être du patient dans la mesure où il joue un rôle décisif dans le processus de guérison. Bien sûr, il s’agit aussi d’améliorer le bien-être du personnel soignant, de la famille… de tous ceux qui fréquentent l’IPI. Mais si cette approche plus humaine a été possible, c’est aussi, comme le souligne Olivier Barré, parce que le pouvoir adjudicateur souhaitait lui aussi se positionner différemment sur le marché hospitalier. Il a été capable d’emboiter la vision de Modulo et de considérer l’architecture hospitalière non pas comme une branche de l’architecture, mais comme une spécialisation de la médecine. C’est d’ailleurs en cherchant à concevoir l’hôpital de demain, un hôpital où l’humain est central, que l’équipe de Modulo a travaillé, en concertation avec les équipes de soin, dans des design lab où aucun aspect de l’hôpital ne fut négligé. Pour Olivier Barré c’est de cette manière que l’on pilote des projets dans lesquels l’architecte se sent vraiment utile. C’est de là, d’ailleurs, qu’il tire sa plus grande satisfaction.

Texte: Chantal Ernst

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