Guerrilla Office Architects
Le tumulus de Tirlemont
Pour qui connaît un peu le travail de Guerrilla Office Architects sait que derrière chaque design se cache une histoire sophistiquée ou une signification plus profonde. Le manager Geert De Neuter et ses collaborateurs aiment regarder au-delà des méthodes habituelles ou des solutions communes. Cela conduit parfois à une interprétation presque cinématographique de la réalité. Le contexte d’une parcelle est exploré et des références dans l’environnement sont recherchées afin de répondre intelligemment voire de contrer la problématique de la construction. L’on retrouve cette même posture combative combative au bord du Vianderdal à Tirlemont. Dans un nouveau quartier résidentiel, GOA a construit une maison atypique au toit à deux versants au sommet d’une montagne. Avec un peu d’imagination, elle semble se tenir en équilibre sur la colline. La maison y est en plus en partie incorporée. L’édifice fait donc référence aux tumulus de la Grimde, monument funéraire bien connu de la ville qui se compose de trois collines, dont chacune abrite une chambre funéraire. « En fait, nous proposons ici une réponse créative à un plan de lotissement mal pensé », explique l’architecte Geert De Neuter. « Le site est situé à cinq mètres au-dessus du niveau de la rue. Ce fait a tout déterminé. Selon le règlement de construction, la maison devait être construite sur un étage, avec un toit en pente et une corniche de 6,5 m maximum. Une fermette typique en fait: pas une mince affaire avec une telle typologie.
Le design montre magnifiquement comment gérer contexte de manière inventive. La maison a un volume complètement différent de la fermette prescrite, mais s’intègre parfaitement dans le gabarit du règlement de l’urbanisme. La montagne, la vallée adjacente, les pins des voisins: tout est inclus, tandis que la dynamique entre les différents volumes offre une expérience très particulière. « Cela ressemble à un ensemble de maisons qui partent du creux de la montagne et se rapportent à l’environnement de toutes les manières possibles: à l’avant, à l’arrière, sur le côté », explique l’architecte. « Pour nous, chaque projet implique les mêmes grandes questions. Comment appréhender le paysage? Comment intégrer de manière optimale les meilleures vues? Comment apporter de l’espace à une maison? Dans ce cas, les règles imposées ont été remises en cause de telle manière que nous avons réussi à obtenir un résultat architectural beaucoup plus intéressant. Cette maison, elle ne peut se tenir nulle part ailleurs. De nombreux lots sont dessinés de telle manière que l’on ne peut rien faire de spécial avec. Vous pourriez pratiquement interchanger les maisons sans que rien ne change. Ici, c’est complètement différent: nous avons une maison adaptée aux souhaits du client, mais aussi adaptée aux qualités spécifiques du site. »
L’entrée procure une sensation particulière. Un abri de voiture en partie couvert mène à l’entrée dans la colline. Il y a un grand bureau, un débarras et un vaste atelier de vélo. « La famille est passionnée par le cyclisme et possède une grande collection de vélos. La partie arrière a été entièrement conçue comme un lieu de stockage et de maintenance » explique De Neuter. Au-dessus du niveau creusé, un volume allongé a été placé qui va rechercher la profondeur du terrain. On y retrouve les fonctions du quotidien: cuisine, salle à manger et coin salon. En plus, une grande baie vitrée à l’avant est partiellement délimitée par un large volume de faisceau. « Le sommet de cette poutre indique la hauteur de la corniche », explique De Neuter. « Si vous deviez tracer une ligne oblique à partir de là et faire un toit pointu, le gabarit prescrit émergerait. »
Au ‘rez-de-chaussée’, on remarque l’intensité de la connexion entre les différents niveaux. Le salon à l’avant se situe par exemple un mètre et demi plus bas que la cuisine et la salle à manger, on y accède par un placard à gradins. De la cuisine, on peut regarder directement dans l’espace de bureau et vice versa. Une plaque de verre au sol de la cuisine offre une vue sur le local à vélos et offre ainsi un apport de lumière supplémentaire dans les parties enterrées. Geert De Neuter: « Nous avons opté pour des espaces ouverts, vides et remplis de manière fonctionnelle. L’intérieur est en fait très simple. Les plafonds sont en béton apparent, les sols en béton ciré. Les éléments d’escalier et de placard marquent la transition entre les différentes fonctions de vie, tandis que les sols sont fréquemment déplacés. Cela crée un ensemble d’espaces étagés qui offrent toujours des vues en diagonale. En fait, la maison se lit comme un empilement d’espaces et de volumes. »
La maison est surmontée d’un volume transversal avec un toit en bâtière qui affiche sa propre dynamique. La superstructure a été repoussée de quatre mètres et est soutenue par des colonnes en V jaunes, de sorte qu’elle semble flotter au-dessus du site. En plus, une terrasse couverte est créée qui surplombe la vallée, devant la maison du voisin. « Le rez-de-chaussée ne fait que 5,5 mètres de large. De cette façon, nous pouvions faire de la place pour la terrasse couverte », explique Geert De Neuter. « Là, on obtient une vue magnifique sur le Vianderdal. La superstructure offre une expérience complètement différente. Elle est conçue comme une série de trois chambres suspendues entre les pins. On obtient ainsi une interaction intéressante entre la masse au sol et la maison qui flotte au-dessus.
« La superstructure est aussi facile à adapter dans le temps: il s’agit en fait d’une poutre creuse qui peut être complètement vidée. Nous avons souhaité donner à la maison une certaine souplesse, afin qu’elle puisse évoluer dans la durée avec l’évolution des besoins ou des usages. C’est quelque chose que nous faisons toujours de toute façon. Seuls les murs extérieurs sont porteurs, les murs intérieurs ne sont constitués que de murs non porteurs. En théorie, vous pouvez en tirer le meilleur parti et repenser complètement le volume. »
Si vous regardez la maison de loin, elle semble être un bâtiment assez monochrome: une maison grise avec des colonnes en V jaunes comme un accent remarquablement distinctif. Plus on se rapproche, plus les nuances deviennent visibles. Les façades du volume étroit sont constituées d’ardoises en béton avec un motif de brique rectangulaire, les façades de la superstructure transversale avec un toit à pignon en ardoises diamant dans le même matériau. « Seule la texture diffère », explique Geert De Neuter. « L’intention était de créer une sorte de surface de peau écailleuse, où la variation de texture accentue la différence entre les volumes. De loin, seul le jeu entre les volumes est perceptible. Si on s’approche, on remarque qu’il y a aussi un mouvement effectif dans la matérialisation. Les deux types d’ardoises fournissent une tectonique différente. »
Texte: Bart De Maesschalck
Photos: Nick Cannaerts