M2 Architecten

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Depuis quelques années, l’Eilandje à Anvers connaît un véritable renouveau. Ce quartier figure même parmi ceux de la ville qui se développent le plus rapidement. La zone du vieux port, au nord, se caractérisait jadis par des bistrots, de grands entrepôts et des bars à strip-tease douteux. Cet endroit plutôt brut s’est aujourd’hui mué en une zone résidentielle animée, dotée d’une luxueuse marina et d’un espace pour restaurants branchés et rythmée par les initiatives artistiques et les activités de loisirs. L’une des parties les plus intéressantes est sans aucun doute le quartier de Montevideo, véritable attraction culturelle avec, entre autres, le Ballet royal de Falndre, la Red Star Line et les entrepôts de Montevideo. Ces derniers, en particulier, donnent au quartier une allure particulière aujourd’hui. Ces entrepôts portuaires centenaires ont récemment été repris en main et transformés en un bâtiment mixte où l’on habite, travaille, fait du coworking et aussi du shopping. Le point d’orgue de la restauration est un magnifique nouvel immeuble en acier Corten qui vient couronner le projet. Celui-ci comprend douze appartements et quatre penthouses qui, grâce à une gigantesque saillie, semblent flotter au-dessus de la Limaplein adjacente. « Cet immeuble à appartements est à mes yeux une sorte de balcon urbain où l’on peut vivre », explique l’architecte Philip Mortelmans de M2 Architects, qui a conçu le site modernisé en collaboration avec le bureau Callebaut Architecten. « Montevideo constitue le trait d’union entre le port et le centre-ville, accessible à pied en 15 minutes seulement depuis la Limaplein. »

Monument classé
Les entrepôts de Montevideo datent de 1896. Ils ont été construits à la demande de la ville d’Anvers afin de servir de soutien logistique pour le transport de marchandises en provenance et à destination de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale. Le nom fait référence à la capitale de l’Uruguay qui, en raison de sa situation sur le Rio de la Plata, a longtemps été l’un des principaux partenaires commerciaux. Cependant, au cours des dernières décennies, les anciens entrepôts sont restés vides et ont été négligés. L’industrie s’étant progressivement éloignée de la zone Het Eilandje, au milieu du vingtième siècle, les entrepôts de Montevideo avaient été rapidement abandonnés. La situation a finalement changé au début de ce siècle. Les bâtiments ont été officiellement classés comme monuments, ce qui a amorcé leur renaissance. « L’ensemble des travaux de transformation ont finalement duré près de vingt ans », explique Philip Mortelmans. « C’est le service de conservation des monuments de la ville d’Anvers qui a été l’instigateur de ce réaménagement. Au bout du compte, le statut de protection des bâtiments a permis d’obtenir des subventions, avec un élan bienvenu à la clé pour la restauration. Sans ce soutien, le projet n’aurait peut-être jamais été réalisé sous cette forme, même si ça n’a pas été une sinécure… Au début de l’année 2000, un promoteur immobilier a racheté les entrepôts à la ville. Pendant dix ans, il a alors essayé de mener le projet à bien, sans succès. À cette époque, l’Eilandje ne connaissait pas encore l’essor d’aujourd’hui, ce qui ne lui a sans doute pas facilité la tâche. En 2016, le propriétaire des bâtiments nous a finalement consultés pour voir ce qu’il était encore possible de réaliser. »

Un imposant porte-à-faux
Huit des onze entrepôts restaurés sont désormais occupés par Fosbury & Sons, qui dispose d’un gigantesque espace de coworking réparti sur deux étages. Le reste devrait accueillir un supermarché et des locaux commerciaux. 380 places de stationnement souterrain ont par ailleurs été prévues. Dans l’espace situé entre le bâtiment principal et l’espace de coworking, un grand atrium susceptible d’accueillir un marché alimentaire accessible au public a été créé. « Cette place publique aura une fonction essentielle dans le concept global », précise Ph. Mortelmans. « Il symbolise la synergie d’une exploitation mixte. Ici, le privé et le public se mêlent totalement. La place constitue le lien entre les espaces de vie et de travail, mais surtout, elle ajoute une valeur sociale au site. » L’imposant bâtiment principal comporte quatre étages. Outre douze appartements de deux et trois chambres, il accueille également quatre penthouses, dotés d’une terrasse de toit avec piscine et d’une vue imprenable sur la ville et l’Escaut. L’élément le plus remarquable est cependant le porte-à-faux de onze mètres sur toute la largeur du bâtiment. Les appartements semblent ainsi flotter au-dessus de la Limaplein. « Cette saillie est certes caractéristique du bâtiment, mais elle était également nécessaire pour réaliser le projet de manière rentable », explique l’architecte. « Ce genre de prouesse technique est pour ainsi dire inédite dans notre pays, surtout pour un bâtiment résidentiel. Comme le parking est situé sous une façade classée des entrepôts, ce mur imposant en maçonnerie a dû être « suspendu », par exemple. Il a « flotté » à plus de sept mètres au-dessus du sol pendant près d’un an!

Site historique sauvegardé
Le réaménagement a été effectué dans le plus grand respect du caractère monumental de ce site historique. Un tiers des coûts ont toutefois été générés par les seuls frais de restauration. Par exemple, les clinkers d’origine ont été réutilisés pour la construction de la cour, la structure centenaire du plafond a été restaurée, les portes en bois, les colonnes en fonte et les fermes de toit ont été totalement remises à neuf, et la maçonnerie de la façade a retrouvé son état d’origine. « Tous les éléments qui donnent au bâtiment sa « patine » ont été préservés autant que possible », précise Philip Mortelmans. « On a également veillé à ce que les nouveaux et les anciens bâtiments se complètent et se renforcent mutuellement. Ce sont deux bâtiments complètement différents, et pourtant ils forment un tout harmonieux. Le bâtiment principal, caractérisé par une structure apparente, a été entièrement réalisé en acier Corten. Il s’intègre de la sorte parfaitement dans l’esprit portuaire industriel de jadis. J’entends parfois dire que sa conception rappelle celle des anciennes grues portuaires. L’inspiration n’a pas en soi été puisée dans les grues, mais je comprends qu’on puisse établir ce genre de lien. Pour nous, il était essentiel que Montevideo incarne la transition naturelle du port vers la ville. Étant donné sa destination mixte, le bâtiment devrait être appelé à devenir un pôle d’attraction pour le quartier. Je compare volontiers ce projet avec Tour & Taxis et la Gare maritime à Bruxelles. Ces lieux sont des catalyseurs dans leur environnement et redonnent vie et dynamisme à une part oubliée de la ville dont l’histoire est exceptionnellement riche.

Texte: Bart De Maesschaclk
Photos: M2 Architecten

 

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