Pieter Vandenhout

Pieter Vandenhout

Vivre dans une brasserie

 

Dans le centre de Werchter, tout près du fameux terrain où a lieu le festival, se trouve la brasserie Jack-Op. Ce fier bâtiment trône sur la rive de la Dyle et proche de l’église historique du village depuis plus de 150 ans. Toutefois, ce monument incontournable du paysage de la région était tombé en décrépitude. Il était grand temps de lui trouver une nouvelle destination! En 1869, Felix Van Roost fonde sa brasserie dans ce petit village flamand. Très vite, sa bière, la « Jack-Op », était devenue populaire dans la région et la brasserie transformée en une entreprise florissante. Pourtant, presque un siècle plus tard, on décide de stopper les activités de la brasserie. Dès lors, le bâtiment sera utilisé de plusieurs manières. On y habite, bien qu’aucun plan concret ne soit conçu en ce qui concerne sa destination. C’était sans compter le maître d’ouvrage et l’architecte d’intérieur.

 

Une ruine transformée en lofts de luxe

Lorsque le maître d’ouvrage a acheté l’ancienne brasserie Jack-Op, la bâtisse autrefois si fière n’était plus que l’ombre d’elle-même. Pieter Vandenhout, architecte d’intérieur, nous décrit sa première rencontre avec le bâtiment: « Quand je suis allé voir le bâtiment, il était dans un très mauvais état. Il avait été habité sporadiquement entre 1965 et le 21ième siècle, mais était délaissé depuis quelques années au moment de l’achat et menaçait de tomber en ruines. De plus, même à l’époque de l’habitation temporaire du bâtiment, on n’a jamais effectué des travaux. Bref: la brasserie était dans un état déplorable et dangereux avec un grand risque d’effondrement. » Pour le maître d’ouvrage et l’architecte d’intérieur, il s’agissait donc en priorité de stabiliser la bâtisse. Pour cela, on a fait appel à l’expertise de High In The Sky: la partie la plus à risque, la « tour » – soit la partie la plus haute de l’ensemble – a été entièrement drapée dans des filets et renforcée du bas vers le haut. « On a entièrement enveloppé la tour et ajouté des fondations supplémentaires. Le fait que la brasserie était encore debout tenait du miracle: elle a été construite sur le sol spongieux entre la Dyle et la Démer et risquait très clairement de s’affaisser. Quand nous avons entamé le placement de la fondation, nous en avons découvert une ancienne, très épaisse et très solide de 80 cm de large. Une sacrée surprise qui a exigé du travail supplémentaire. La brasserie entière s’était affaissée: il y avait une différence d’environ 40cm entre le côté est et ouest. C’était un peu la tour de Pise de Werchter… nous avons d’ailleurs maintenu l’inclinaison pendant les travaux. » Pour la suite des travaux, le bâtiment a été entièrement dépouillé et démantelé jusqu’à ce qu’uniquement le gros œuvre ne soit visible. De là, on est parti pour réaménager.

 

Maintien stricte

La brasserie Jack-Op se trouve dans un village protégé, proche de l’église classée. L’intention n’était donc pas du tout de changer de façon radicale le visage de cet élément connu de Werchter. Le but des travaux était justement le maintien maximal de la façade originale de la brasserie. Un principe appliqué de façon très stricte. « Après la stabilisation, il s’agissait de faire l’inventaire. Tout ce qui n’était pas d’origine devait disparaître. Les traces d’habitation ont été nettoyées et éliminées. Après cela, nous avons soit stabilisé, soit temporairement enlevé toutes les pièces d’origine. En fait, on a presque entièrement vidé le bâtiment. Les pièces d’origine ont été répertoriées, nettoyées, restaurées ou réparées si nécessaire, avant d’être replacées. Tout ce qui pouvait être sauvé a été réintégré dans le bâtiment. Parfois, certains éléments ont dû être remplacés ou ont changé de place, mais le moins possible. » Qu’il s’agisse des escaliers en fer forgé, des poutres ou des fenêtres, l’équipe qui a travaillé à la brasserie a tout restauré vers sa gloire d’antan le plus fidèlement possible. Quand la pièce originale n’était plus là, on est intervenu, mais toujours en pensant au bâtiment d’origine. Ainsi, les fenêtres en acier sont des fidèles reproductions des fenêtres originales en fer forgé: toutes les sections et répartitions d’origine sont visibles. On a également maintenu les emplacements d’origine en ce qui concerne les fenêtres. A travers le bâtiment, on a travaillé de la façon la plus ouverte possible tout en tenant compte de la structure originale. Les terrasses offrant une vue sur le terrain du festival de Werchter sont les seules interventions visuelles visibles. On a toutefois pris garde de les placer hors de vue du centre historique et classé.

Esprit d’origine maintenu

Dès le début, il était clair que le bâtiment pouvait accueillir 8 lofts. Les lofts ont une superficie de 100m2, et chaque cm2 a été utilisé. L’esprit d’origine a été approché le plus fidèlement possible, par exemple en utilisant du plâtre teinté dans la masse pour donner plus de texture. Le sol, couvert d’un mélange de calcaire et de ciment appliqué à la main, évoque également l’esprit d’origine. Tout rappelle la robustesse du cadre industriel et le magnifique travail de fer forgé. Même les éléments nouveaux ont été pensés pour mettre en valeur les éléments d’origine: les salles de bains et les cuisines, par exemple, sont très épurés et soumises aux proportions du bâtiment. Ainsi, elles ont été conçues pour s’adapter à la hauteur des plafonds. Un respect pour l’histoire du bâtiment qui va jusqu’à laisser intact les impacts de balles visible dans un des murs, souvenirs de l’époque où des soldats sont venus se réfugier dans le bâtiment pendant la première guerre mondiale…

 

Durabilité

En matière de durabilité, la vision de l’architecte d’intérieur est claire: « Nous avons récupéré un bâtiment existant et sommes partis de là au lieu de construire du nouveau sur un terrain vierge ou de remplacer un ancien bâtiment par une nouvelle construction. Voilà l’intervention majeure en termes de durabilité. » Le résultat: huit habitations compactes et efficaces dans un bâtiment où tout a été mis en œuvre pour se conformer aux normes actuelles et qui présentait déjà des avantages sur le plan de la durabilité. Pensons à l’aspect compacte du bâtiment même et aux murs très épais qui présentent des épaisseurs entre 40 et 60cm. De plus, un ascenseur a été intégré dans le bâtiment, de façon à le rendre accessible en chaise roulante.

 

Réception

Après environ trois années de travaux, le nouveau bâtiment pouvait enfin être révélé. L’occasion d’organiser une véritable fête du village. Ainsi, une communauté entière était impliquée dans un projet privé. Un projet qui a tellement frappé les esprits que d’ici l’inauguration, 6 des 8 lofts étaient déjà loués.

 

A propos de Pieter Vandenhout

« Nous ne sommes que des passants », voilà ce qui résume bien la philosophie de Pieter Vandenhout. Pieter Vandenhout a lancé « Architectuur en Interieur » à Louvain, en 1990. Très vite, le bureau comptait 5 collaborateurs. Quand le bureau, alors rebaptisé « Pieter Vandenhout nv », atteignait une équipe d’une dizaine de collaborateurs, Vandenhout se trouvait devant le choix de continuer à grandir ou à devenir plus petit. « J’ai assez rapidement fait le choix de devenir plus petit. Je voulais me préoccuper de mon métier et pas de la gestion d’une équipe. Aujourd’hui, je travaille seul et je collabore avec des partenaires selon les projets. Cela me permet de me concentrer et de m’occuper personnellement de chaque aspect: de la conception à la réalisation. » La vocation de Pieter, c’est de restaurer et de donner une seconde vie à des bâtiments historiques. « Moins un bâtiment se présente bien, plus j’aime m’en occuper », explique-t-il. Le point de départ est toujours le bâtiment: en ressentant ce que le bâtiment a à offrir et en intervenant le moins possible, on réussit à maintenir l’esprit d’origine et à revaloriser notre patrimoine. Car après tout, dit Pieter, nous ne faisons que passer. Le bâtiment ne doit pas porter le coup de griffe de l’architecte, c’est à l’architecte de mettre en valeur les caractéristiques du bâtiment.

 

Texte: Kim Schoukens
Photos: Rudi Maes

 

Pieter Vandenhout
Bosstraat 197 – 3060 Bertem
t. 0485 86 81 30
pieter.vandenhout@me.comwww.pietervandenhout.be