plusoffice architects

plusoffice architects

CC Binder à Puurs

 

Dans les années 80 du siècle passé, le nombre de centres culturels en Flandre a connu une croissance fulgurante sous l’impulsion d’une plus grande attention pour les événements culturels locaux et de subsides (à l’instar de ce qui s’était déjà passé pour les infrastructures sportives). Chaque commune reçut un temple dédié à la culture. Les vieux centres paroissiaux étaient souvent vides et apportaient un peu de réconfort dans certaines situations en hébergeant de petits projets culturels de façon temporaire ou non. Parallèlement, les terrains vagues se trouvant en toile de fond, conséquences des traditionnelles agglomérations dites en village-rue, ont été éventrés afin de permettre l’extension des infrastructures existantes, voire la construction de nouvelles initiatives. C’est ainsi qu’une certaine confusion urbanistique se créa, menant à des noyaux villageois dispersés et inintelligibles.

 

Les jardins de Puurs

Puurs n’était pas différente. Entre tous les terrains vagues et les parcs de stationnement, les anciens centres culturels étaient devenus, au fils des ans, des agglomérats de différents bâtiments, d’annexes et de styles d’architecture. La cohésion et la structure logique étaient difficilement identifiables. Après une rénovation réussie de la place de l’église et du Dorpshart, la commune de Puurs a lancé un concours via l’appel d’offres de « Vlaamse Bouwmeester ». La mission pour l’élaboration d’un schéma directeur pour une série d’espaces intérieurs et de terrains vagues du centre-ville (Hondsmarkt, Hooiveld, Kloosterhof…) a été remportée grâce à un schéma directeur au titre très évocateur de « Les jardins de Puurs ». L’équipe belgo-hollandaise formée par DELVA Landscape Architects et plusoffice architects a été élue lauréate parmi 60 envois internationaux. Le Centre culturel, la première mission partielle de la patte de plusoffice architects de Bruxelles, a récemment été livrée en même temps que la traversée et le jardin public conçus par DELVA Landscape Architects. Contrairement à la plupart des concours urbanistiques, les missions partielles de ce schéma directeur peuvent être attribuées aux mêmes designers. Il s’agit d’une plus-value non négligeable, car cela permet non seulement d’accélérer la réalisation de l’ensemble, mais aussi de garantir l’unité esthétique et la philosophie conceptuelle, vu que les projets-clés auront une signature identique.

 

De schéma directeur à mission partielle

Conformément au schéma directeur, plusoffice architects détricote les bâtiments et rajoute de nouvelles séries d’objets, d’axes et de perspectives urbanistiques. Au cours de la discussion avec l’architecte du projet, Dorien Pelst, et du gérant, Ward Verbakel, il ressortit que « démêler » s’avérait être un terme-clé de cette mission. Le Harmoniepad, un nouveau chemin créé spécialement pour les promeneurs et les cyclistes, expose les bâtiments existants et neufs et forme une traversée entre la Begijnhofstraat et le Kloosterhof, où se trouve entre autres le centre sportif communal. Il en ressort une balade architecturale, plutôt apaisante, dans le chaos formel et fonctionnel semé au fils des ans. La nouvelle traversée ne relie pas seulement la Begijnhofstraat au nouvel espace intérieur, mais il crée également une cour extérieure pour le Centre culturel. Grâce au grand foyer de verre et au large banc, la transition extérieur-intérieur se fait en douceur.

Selon les architectes, la rampe de sortie pour les matériaux et les décors, qui est généralement gardée à l’écart, devait être visible, voire sauter aux yeux à l’entrée du bâtiment, afin que même la frontière frontstage-backstage soit floutée. On pénètre le bâtiment par le sas d’entrée, où le projet d’intégration artistique en fait intégralement partie. Deux plateaux massifs placés l’un en face de l’autre, auxquels sont intégrées les portes d’entrée, permettent d’exposer les œuvres de l’artiste graphique Stephanie Specht. Afin de se différencier des autres halls d’entrée traditionnels, arborant généralement des panneaux d’affichage sur les côtés pour y placer les plannings d’activités, les architectes ont conçu des partitions en verre. L’administration communale a d’ailleurs résolument choisi de communiquer par voie numérique avec des écrans d’affichage.

 

La philosophie de la transparence

Lorsqu’on pénètre l’imposant hall, qui sert également de foyer, le choix du matériel, certes sobre, mais aussi malin, saute aux yeux. Les éléments en béton alternent avec des matériaux acoustiques isolants. Aussi le choix de l’éclairage reste dans la sobriété, avec un arrangement répétitif et directeur de longues armatures LED. L’escalier menant au théâtre est couvert de lattes de bois (l’architecte ne se trompe pas en l’appelant l’escalier théâtral) et il vous invite à vous rendre au premier étage où se trouve la nouvelle salle. Pourtant, votre attention est aussi immédiatement attirée par la vue sur la cour de récréation de l’école voisine: vous n’avez pas l’impression de vous trouver dans un bâtiment contenant plusieurs salles de spectacle. Vous n’avez jamais le sentiment de cette immensité ou de claustrophobie que l’on ressent souvent avec l’architecture typique des théâtres. Au contraire. On retrouve partout un jeu ‘de concavités et de convexités’, ‘de volumes et de creux’ comme Ward l’explique et où règne la transparence et l’ouverture.

Le plafond de la salle polyvalente a environ la même inclinaison que celle de la tribune théâtral. Ce jeu de lignes tridimensionnel for-me avec le motif diagonal des dalles sur le sol un ensemble ludique linéaire qui ne fait que renforcer le sentiment d’espace.C’est par la salle d’exposition, qui fait aussi office de white box, que vous pénétrez dans le bâtiment existant. Le foyer et la petite salle polyvalente forment l’accès à l’ancienne Salle rouge. Entre cette salle et la nouvelle salle polyvalente se trouvent les salles de production, les sanitaires et quelques cuisines d’apprentissage avec des classes. Cela illustre une fois de plus le caractère ouvert et l’énorme polyvalence qui émane de ce complexe. De l’autre côté du foyer, dans le bâtiment existant de l’académie, se trouve au rez-de-chaussée le café DEKOL, une référence à Kollebloem, l’ancien nom du centre culturel, mais aussi un clin d’œil au col de mousse d’un verre de bière. Le café est également accessible par la Hof-ten-Berglaan, où se trouvait jadis la connexion avec le centre sportif.

 

La chaise 401

À l’étage, où se trouve la nouvelle grande salle qui a gardé le nom Kollebloem, se trouve une carte en acier exposant la vision conceptuelle de plusoffice architects: une sobriété intelligente, une combinaison réfléchie de fonctionnalités riches et d’ornements discrets, des techniques visibles, un usage de matériaux purs et sans compromis. Le revêtement acoustique en bois (des lattes en bois avec derrière de la laine de roche) ramène la grandeur de la salle à taille humaine, alors que la hauteur de celle-ci est interrompue par de grandes cassettes perforées en acier pour l’isolation acoustique, qui se trouvent au-dessus du revêtement et qui ont la même couleur que le plafond. Les luminaires sur les murs sont identiques à ceux qui pendent au plafond et permettent aussi de ramener le tout à taille humaine. À l’arrière de la salle se trouve le local de projection, au-dessus de l’escalier de service, faisant aussi office de sortie de secours.

Ce qui rend cette salle unique est la lumière du jour qui pénètre par une fenêtre oblique du côté de la cour de récréation. Ici aussi, la transparence et l’alternance ont été des sources d’inspiration pour un effet ouvert-fermé recherché par les architectes, pour en faire un détail, certes peu évident, mais certainement très réussi. La grande salle est complètement séparée d’un point de vue acoustique de la salle polyvalente qui se trouve en dessous, selon le principe du « box in box », où une double structure pourvue de blocs en caoutchouc permet d’organiser une activité tranquille à un étage et un concert bruyant à l’autre étage, et ce, en même temps. La salle offre de la place pour 401 spectateurs, une quantité imposée par l’autorité subsidiante, afin de permettre aux artistes de réserver une salle d’une certaine catégorie. L’architecte fut amusé par cette mesure et n’a pas hésité à le faire savoir avec une boutade. En effet, tous les sièges sont bleu foncé, sauf un. Un seul siège est bleu clair. Il s’agit du 401e siège.

 

Des points dancrage dans lespace public

Le motif de la maçonnerie sur la façade, qui ressemble au tricot Jacquard, renvoie vers un motif quasi identique que l’on retrouve sur d’anciennes photos d’un bâtiment voisin dont la façade d’attente était recouverte d’ardoises. La façade du Harmoniepad est façonnée de différents matériaux. Outre le travail de maçonnerie, on retrouve également du béton visible lisse et ondulé, des châssis de fenêtre en aluminium et un revêtement de façade en acier inoxydable poli avec un profil en zigzags. Cela reste impressionnant de voir comment les architectes ont réussi à créer un vaste programme permettant divers usages et flux d’utilisateurs (personnel, visiteurs, artistes…) et à le traduire par un bâtiment particulièrement gracieux, sans aucune lourdeur. Les anciens et les nouveaux volumes sont des points d’ancrage dans un espace public qui se développe tant à l’intérieur (le foyer, les salles d’exposition) qu’à l’extérieur (la traversée). La planche de rive en béton au-dessus du rez-de-chaussée est le fil conducteur. Démêler pour lier. À première vue une contradiction. Mais plusoffice architects démontre le contraire avec ce design libre de toutes frivolités superficielles. Le nouveau nom du centre culturel est on ne peut plus clair: CC Binder. Cela fait référence à un mot issu du dialecte local signifiant « polisson », mais signifie aussi « relieur ». Sur le site web du Centre culturel se trouve la définition suivante: c’est avec beaucoup d’amour et de dévouement que le CC Binder devient le vaisseau mère pour les événements locaux et il tend la main vers d’autres centres, organisations et entreprises. Pour qu’ensemble nous puissions faire davantage et mieux.

La mission? Créer des liens.

Texte: Johan Geerts
Photos: Nick Cannaerts

 

 

plusoffice architects
Handelskaai 48 – 1000 Brussel
t. 02 203 91 50
www.plusoffice.eu