Studio P Architects

Studio P Architects

La vie est un ensemble de rêves

 

Pendant la période de la Haute Renaissance, Andrea Palladio (1508-1580) fut un architecte important et renommé. Avec l’humaniste Gian Giorgio Trissino (1475-1550) et le maître-bâtisseur Alvise Cornaro (1484-1566), Palladio conclue dans son œuvre « I quatro libri dell’architettura » que la maison représente l’archétype de toute architecture: « L’architecture est une expression d’art qui touche au ‘logement’ de l’être humain et qui forme de fait la base de la vie, du travail et du temps libre ». En consultant les listes des constructions emblématiques, on ne peut que confirmer la thèse de Palladio. Les projets les plus connus d’architectes emblématiques sont des logements. Ces constructions témoignent de leur vision sur l’architecture, raison pour laquelle elles ont une fonction pertinente. En regardant le projet bruxellois Résidence 65 de Studio P Architects, conçu en collaboration avec l’architecte Bruno Schotte, j’ai immédiatement pensé au projet Fallingwater, la résidence par excellence de Frank Lloyd Wright. Julie Palma Engels, la dirigeante de Studio P Architects, réfère à Peter Zumthor et à son Therme de Vals comme principale source d’inspiration de cette maison. La maison spacieuse située dans la périphérie de Bruxelles est un hommage à ce style d’architecture résidentielle, en combinant l’esprit ouvert du maître d’œuvre avec une application contemporaine des architectes et avec le savoir-faire des constructeurs. Le tout résulte en une expérience esthétique unique et intéressante aux détails architecturaux originaux, aux matériaux de qualité et à une sensation spacieuse exceptionnelle.

 

Promenade architecturale

La parcelle est située dans un quartier résidentiel typique de la périphérie bruxelloise, et se caractérise par sa forme rectangulaire allongée et par son accès par une allée qui passe entre deux parcelles avoisinantes. Une caractéristique que les architectes n’ont pas hésité à souligner par la construction d’un mur couvert en Pierre de Vals, menant à la promenade architecturale aboutissant au sein de la maison. Juste avant l’entrée, les voitures sont ‘déviées’ vers le garage situé à gauche du hall d’entrée et qui est ‘caché’ derrière une ouverture dans le mur. Une solution unique évitant que le double garage ne soit pas un élément perturbateur. La paroi en pierre naturelle guide le visiteur vers l’entrée de la maison, un effet qui est renforcé par un auvent au-dessus de l’entrée et qui continue sur la façade, formant un abri pour le carport qui aboutit dans le garage. L’allée semble presque continuer jusqu’au hall central (avec fonction d’axe central), d’où l’on peut accéder aux différentes pièces et qui invite à se promener dans la maison. L’axe sert comme connexion maline entre l’intérieur et l’extérieur, avec une combinaison d’espaces ouverts et fermés qui font que la largeur limitée de la parcelle soit un avantage plutôt qu’une limitation, vu que l’attention est à tout moment capturée par des perspectives et des vues intelligentes. À la fin de la promenade, l’on retrouve la piscine dans le ‘noyau de détente’ de la résidence. Une large terrasse aboutissant au jardin sert comme élément ultime.

 

Une œuvre d’art sous forme d’un escalier

Dans le hall d’entrée, on retrouve le bureau à droite, séparé du reste de la maison par la deuxième porte du hall et permettant de se déconnecter du reste de la maison. À gauche, on peut aller à l’ascenseur, au garage, au vestiaire/toilette, à la deuxième cuisine et à l’escalier, le tout en passant par un hall secondaire. Quant à l’escalier en bois, sa construction en colimaçon forme une œuvre d’art en soi, en alliant légèreté et massivité: le pilier, la rampe avec éclairage subtilement intégré et la combinaison des marches en bois et de la balustrade en plâtre. Sans oublier le côté technique « flottant » de cette construction entre les 2 étages. Un autre élément unique se retrouve dans le bureau, qui est entièrement posé en Pierre de Vals. Dans la salle de séjour,  cette  paroi contient une cheminée encastrée. Un escalier mène à l’étage souterrain qui a nécessité un terrassement partiel du terrain, avec son appartement avec une chambre à coucher pour un concierge, du personnel ou des visiteurs. Un escalier extérieur permet d’ailleurs d’accéder directement au jardin. À part les espaces techniques et les différentes caves, le sous-sol héberge également un cinéma, une cave à vin et un espace avec table de billard.

Ouverture/fermeture – matériaux rugueux/lisses

Au rez-de-chaussée, on s’aperçoit immédiatement de l’immense salle de séjour et de la salle à manger, bien que tous les espaces connaissent un rapport optimal et témoignent d’une grandeur identique. Un élément typique du projet est l’alternance des matériaux et des textures utilisés, comme la paroi en pierre naturelle clivée avec sa cheminée d’une part et les murs en plâtre de l’autre, les deux liés par du parquet à bâton rompu.Ce parquet continue dans la cuisine, où le jeu des matériaux et des textures est assuré par le plan de travail en marbre blanc et par des armoires modernes en noir et en blanc. Il est par ailleurs possible de fermer le passage entre la cuisine et les salles de séjour à l’aide d’une double porte coulissante encastrée. La vue sur le jardin invite à continuer sa promenade jusqu’au bar et à la piscine. L’équilibre, la simplicité et les détails de la construction, tout comme l’harmonie du projet sont des éléments récurrents, dont témoigne par exemple la fonction de charnière du bar entre la partie séjour et l’espace de détente avec fitness, wellness et piscine à débordement. La piscine se trouve d’ailleurs tout à fait au même niveau que les dalles en pierre naturelle et donne des deux côtés sur le magnifique jardin.

Volumétrie

Au premier étage, on retrouve quatre chambres à coucher (trois chambres quasi identiques plus une chambre plus spacieuse qui pourrait servir comme deuxième bureau, comme salle de gym ou autre), une salle de jeux et une bibliothèque/coin TV, d’où la mezzanine qui permet de voir le coin salon au rez-de-chaussée. Ainsi, l’architecte a réussi à créer une plus-value volumétrique, tant du point de vue du rez-de-chaussée que de l’étage. À l’étage aussi, on retrouve les mêmes éléments typiques de la onstruction, de par la combinaison de plusieurs matériaux et textures et d’un design extrêmement raffiné. Dans certains espaces, l’architecte a opté pour une retombée afin de ‘déconnecter’ le plafond des murs. Le deuxième étage est réservé à la suite avec master bedroom, salle de bains séparée et dressing room pour les propriétaires. La chambre à coucher permet d’accéder à un salon et à une terrasse séparés. Tout comme c’est le cas pour le reste du projet, les façades témoignent d’une alliance entre surfaces et volumes ouverts et enfermés, avec comme élément accrocheur ‘the ribbon’, comme le présente l’architecte Julie P. Engels. Il s’agit d’une sorte de cadre qui entoure la façade et qui lie les différents volumes, comme s’il s’agissait d’une réelle œuvre d’art. Au sein de ce cadre, l’architecte joue avec des matériaux, des volumes et des lignes. Tant horizontalement que verticalement, le cadre se présente comme un volume triangulaire, dont la fonction ne se limite pas à l’esthétique mais sert aussi comme élément de protection solaire, offrant une perspective et un relief à la façade.

 

Conclusion

Il va de soi que le projet Residence 65 a nécessité un budget considérable. Toutefois, l’architecte n’a à aucun moment ‘abusé’ de ce budget par des choix grotesques ou exagérés, ni par des matériaux extrêmement exclusifs. Le tout se présente dans un équilibre absolu, ou, comme le décrit l’architecte, dans une ‘beauté réconfortante’. À l’instar de Palladio, l’architecte a créé un projet où le logement, le travail et la détente culminent en un ensemble qu’on peut considérer comme exemplaire. La résidence témoigne d’une esthétique intemporelle qui figurerait très bien sur la liste d’autres projets contemporains pertinents.

Texte: Johan Geerts
Photos: Stijn Vereeken
3D: Belly.be

 

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