Goffart Polomé Architectes

Goffart Polomé Architectes

Avec ce projet, inauguré en septembre 2019, le chef Pierre Massin est quelque peu sorti des sentiers battus. Il souhaitait en effet ériger un bâtiment totalement neuf ce qui est relativement rare dans un secteur davantage tourné vers la tradition et, par là, vers la rénovation ou l’extension contemporaine de bâtiments existant. Dès le départ, l’aventure avait donc une saveur particulière et prometteuse. Récit avec Brice Polomé.

La réglementation urbanistique de Gembloux est très ancienne, voire obsolète. Elle renvoie à des typologies très traditionnelles avec toitures symétriques entre 35 et 45 degrés, un rapport de proportion de baies selon l’orientation de la façade. Sans oublier la palette de couleurs autorisées pour le revêtement de façade. Pour répondre à ces règles, a fallu réinterpréter les règles, nous dit Brice Polomé. Ainsi la toiture respecte l’inclinaison de 35 à 45 degrés, mais elle est mise sur la pointe du bâtiment, dans sa diagonale. De quoi lui donner une tout autre dynamique. Si, toujours selon le règlement, les baies des façades pignons doivent avoir un rapport de plein/vide inférieur à 0,2, les baies conçues pour ce projet traversent tous les étages. Le règlement est ainsi respecté, mais il est interprété de manière créative. En se jouant des codes, en les réinterprétant, le bureau d’architecture a atteint, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, l’image mentale d’un bâtiment traditionnel en le réinterprétant. Résultat: pas de dérogation d’ordre architectural et seulement une ou deux dérogations d’ordre technique. Mieux encore: la ville et la Région wallonne ont appuyé le projet parce qu’on a affaire ici à un bâtiment à la posture forte avec une réflexion qui intègre de vrais enjeux de durabilité.

Pour répondre aux enjeux d’un terrain situé en territoire agricole (dont celui du ruissellement des eaux) et respecter dans le même temps l’inclinaison de la toiture, le bureau Goffart Polomé Architectes a opté pour une toiture verte afin d’obtenir un effet de rétention d’eau et de percolation. De plus, la toiture verte, vu sa forte présence dans le projet, devient un enjeu du paysage. Il ne s’agit pas d’une toiture extensive ni intensive, elle se situe entre les deux: elle a suffisamment d’épaisseur pour avoir une vraie végétation qui évolue très rapidement et s’offre en véritable tableau au cœur du paysage dont elle devient un élément marquant. Par ailleurs, le travail de matériaux hybrides (bois, béton, tissu) permet aussi d’avoir un rendu homogène et noble. Il faut dire que le travail en partenariat avec la menuiserie des entreprises générales Bajart a permis d’aller très loin dans le projet. De plus, l’inertie naturelle du béton crée un climat de confort naturel et la faible inertie de la toiture en bois, complétée par la végétation, offre un véritable confort face à la chaleur.

Mais, l’approche durable du projet va au-delà de ces choix de matériaux. Car si ce bâtiment englobe pour l’instant un restaurant, un appartement et un bureau dédié au chef Pierre Massin, les espaces ont été conçus de manière ouverte et évolutive afin, notamment, de pouvoir mettre un second appartement à la place de la salle actuelle, par exemple. Pour le bureau d’architecture en effet, poursuit Brice Polomé, les vrais enjeux de la durabilité c’est d’obtenir une modularité des projets. Ainsi, les bureaux conçus par et pour Goffart Polomé Architectes l’ont été pour pouvoir un jour être convertis en appartements. Aucun de leurs projets n’échappe à cette règle.

L’évolutivité, si chère au bureau d’architecture, a été au cœur même de la gestion de ce projet. Car si au départ le chef étoilé ne commandait qu’une enveloppe, à savoir un bâtiment comprenant un appartement à l’étage et une zone technique dans le sous-sol, rien n’est resté figé. Tout s’est tissé au gré de la confiance mutuelle. Ainsi, plutôt que de rester sur son idée initiale de commander une étude acoustique une fois le bâtiment construit, le chef a suivi le bureau d’architecture dont la démarche a été d’aborder l’architecture non pas pour répondre à une seule demande, mais pour régler d’emblée toutes sortes de problématiques et répondre à de multiples besoins et questions, y compris celle de l’acoustique.

Avec un plafond qui culmine à huit mètres dans la salle principale – et dans l’optique chère au bureau d’architecture de retirer les plâtres et de revenir à des matériaux intrinsèques comme le bois, le béton ou le tissu – la problématique de l’acoustique était réglée sans devoir recourir par la suite ni à une étude, ni à des panneaux acoustiques. En jouant de manière empirique avec des éléments comme le tapis au sol et les drapés de huit mètres de haut avec une charpente placée en oblique à laquelle s’ajoutent des éléments de chevronnage qui créent de véritables caissons acoustiques naturels, le confort acoustique était assuré. En intégrant ces éléments directement à l’architecture, l’atmosphère créée était du reste très différente. Ainsi, une véritable mise en scène du bâtiment se fait de manière quasi naturelle: les rideaux cachent des portes de service, des zones de vestiaire, de paiement…

En se laissant porter au gré d’une confiance et de liens de plus en plus forts avec ses architectes, le chef Massin a laissé naître entre eux un véritable partenariat. De quoi résoudre, d’entrée de jeu, sa problématique de l’acoustique. On peut parler de vision holistique de l’architecture où, par ailleurs, de multiples jeux de résonnance s’opèrent: la chaleur du textile répond à la chaleur du bois tandis que la gamme chromatique des tissus fait écho à la minéralité du béton. Mais surtout, avec ces matières, le bureau évite l’usage du plâtre qui subit assez mal le passage du temps. Bien sûr, cette vision holistique répond aussi à bien d’autres questions comme l’impératif d’une bonne gestion des flux dans le bâtiment exprimée par Pierre Massin. Brice Polomé le souligne: la prise en compte de ces demandes, impératifs et souhaits débouche sur une lecture plurielle du bâtiment qui aux uns évoque un temple, aux autres une nef ou encore un chalet suisse. De quoi susciter une expérience à la hauteur de la promesse d’un restaurant étoilé dont, bien sûr, l’essentiel se passe tout de même dans l’assiette.

La confiance instaurée est telle que l’on retrouve Goffart Polomé Architectes impliqués dans le choix de la vaisselle, du mobilier, des parasols ou encore des œuvres d’art décoratives pour la salle. Le bureau participe même, avec des paysagistes, au plan du jardin nourricier. Bref, le projet évolue en permanence et le niveau de confiance est tel qu’il ne fait aucun doute que Brice Polomé et son bureau d’architecture soient convoqués si des chambres d’hôtes devaient un jour sortir de la parcelle adjacente. Pour l’instant, la pièce initialement prévue comme bureau pour le chef est laissée vide et sans usage tant Pierre Massin aime travailler depuis son appartement. C’est ainsi que le bureau d’architecture a lancé au sein de son propre bureau un petit concours pour réaffecter l’espace bureau en zone conviviale de dégustation hors des codes de la haute gastronomie. Cette demande – en cours à l’heure d’écrire ces lignes – prouve à quel point ce projet reste en devenir permanent au cœur d’une relation très étroite avec le client. Chacun se permet de poser un regard critique sur le travail de l’autre créant une relation forte entre architecture et gastronomie. Une aventure rare et très riche en enseignements. Certainement, une belle aventure à suivre… peut-être au gré des prix que le projet glanera ici et là.

Texte: Chantal Ernst
Photos: Maxime Vermeulen

Goffart Polomé Architectes
t. 071 41 81 53
Rue Édouard Baillon 1/5 – 6224 Wanfercée-Baulet
info@goffart-polome.com – www.goffart-polome.com