Bastion Architecten

Bastion Architecten

Fin des années 60, le berceau historique de Namur, le quartier ancien du Grognon sur le site de la Confluence est rasé pour des raisons de salubrité. Depuis, et malgré un concours organisé dans les années 90 mais dont le projet vainqueur fut rejeté par la population, le lieu est un no man’s land, un espace de fouilles, une plaie béante dans la ville. Au-delà d’une réponse à la demande officielle de réaliser une esplanade, de la connecter à la Meuse et de créer un espace public de rencontre qui permette aussi de résoudre les questions de mobilité intrinsèques au site, le projet conçu en collaboration étroite entre BEE Architect, 3XN et JNC International comble un vide et réconcilie les Namurois avec leur histoire.

Un projet plus paysager qu’architectural
Philippe de Menten résume la ligne de conception du projet en ces mots: créer une lisière végétale autour de l’espace public, lui donner une forme souple qui permette à chacun de trouver sa place en fonction de l’activité qu’il souhaite y mener et unifier bâtiment et paysage. Résultat: avant d’être un projet d’architecture, ce projet est paysager. Il propose de laisser un vide qualitatif, respectueux de l’espace général. C’est sans doute ce qui a été apprécié par les Namurois lors de la présentation publique du projet. La procédure a quant à elle été exemplaire: constitution d’un jury international de professionnels (architectes, urbanistes…) et sanction du Collège du choix de ce jury. Au bout du compte, une qualité architecturale préservée dégageant une unanimité de la part des citoyens.

Un projet à faire émerger depuis un nœud de communication
L’emplacement du projet n’est autre qu’un incroyable nœud de communication en pleine mutation. La passerelle de l’Enjambée qui relie de façon douce, sécurisée et agréable Jambes, le centre de Namur et le site du Grognon est en construction. La déviation de la route est planifiée ainsi qu’un parking souterrain sur 4 niveaux sous le site. Ces projets se cumulent et leur temporalité est distincte: le projet de l’esplanade doit assurer leur cohésion en intégrant leur contraintes respectives en une solution harmonieuse.

Repenser le lien avec la Meuse
Pour assurer une liaison entre l’espace public à dessiner et la Meuse, la route nationale qui borde la Meuse a été retracée. Ainsi, juste après le Parlement wallon, la route a été déviée vers un nouveau rond-point afin de créer un grand triangle dont le côté le plus long est en connexion avec la Meuse et reçoit la passerelle cyclo-piétonne. Ce choix stratégique de relier la ville au fleuve s’inscrit dans une nouvelle vision urbaine qui touche de nombreuses villes dotées d’un cours d’eau. Historiquement les villes tournent le dos au fleuve, le pari de la confluence est de générer une relation positive avec les rivières de la Sambre et de la Meuse, dont les crues sont désormais maitrisées et les eaux assainies.

Concevoir une esplanade bordée majoritairement par des vides
La conception classique d’une place consiste à organiser le vide constitué par les bâtiments qui bordent et définissent le futur espace public. Le projet du Grognon doit définir un espace public à partir des deux vides qui le bordent: la Meuse et la route nationale doublée par la Sambre. Les architectes et paysagistes ont proposé une lisière verte en guise de protection visuelle par rapport à la route. Cet espace très largement planté crée une façade douce et changeante, il ramène de la végétation en ville et devient ainsi l’aboutissement du parc formé par la Citadelle de Vauban qui surplombe le site. La lisière souple qui ceinture l’esplanade va ensuite varier en hauteur, s’abaissant pour rejoindre le quai de Meuse ou se soulevant pour abriter le bâtiment du Nid qui abrite le pavillon de la ville: Namur Intelligente et Durable. Un dernier contrefort courbe longe ainsi la Meuse: il est constitué d’une série de gradins partiellement plantés. Le bâtiment conçu à la façon d’un soulèvement du paysage, offre un espace permettant de répondre au programme de la ville (espaces horeca et polyvalent), mais ce soulèvement va créer aussi un point de vue assez inédit sur Namur puisqu’il permet d’observer la confluence, le parlement wallon et le parc de la Citadelle qui descend vers le site.

Un bâtiment conçu comme une des excroissances de l’esplanade
Le vaste espace formé par l’esplanade permet l’organisation de grands évènements tandis que les courbes rentrantes offrent des recoins plus intimes pour des activités diverses. Cette diversité d’activités au sein du même espace est l’occasion de créer du lien tout en permettant à chacun de s’approprier l’espace. Le bâtiment, en courbes et contrecourbes, loge le programme. Sa forme douce prolonge la logique de l’esplanade à l’intérieur du bâtiment. Le projet forme ainsi un ensemble cohérent unifié en un seul geste.

Un aspect minéral et naturel
L’idée de Confluence est de travailler par contraste. Celui de l’aspect minéral de l’espace public avec ses courbes, ses gradins minéraux en béton coulé ou préfabriqués et la nature. Pour le bâtiment, le côté brut est renforcé à l’extérieur et à l’intérieur avec des voiles en béton apparent qui contrastent avec certains éléments très soignés comme des murs rideaux et des faux plafonds en maille de métal de couleur dorée. L’intérieur est une prolongation de ce qui passe à l’extérieur. Cette architecture ouverte permet de se repérer facilement et exprime une simplicité et une sobriété qui exigent une grande maitrise technique.

Un mélange de high tech et de low tech pour contenir la consommation d’énergie
L’aspect durable du bâtiment est ici essentiellement obtenu par l’énergie puisée dans l’eau de la Meuse. Le système de pompe à chaleur est branché sur un puisage dans la Meuse qui va amener l’eau tempérée du fleuve dans un échangeur, en circuit fermé. On puise donc les calories de la Meuse pour chauffer l’eau du bâtiment et cette eau va être distribuée par des dalles actives. En été le processus est inversé pour puiser dans la fraîcheur de la rivière les frigories utiles au rafraîchissement du bâtiment. Un système de ventilation par gaines en aluminium micro-perforées amène de l’air neuf à grande distance et distribue de manière homogène l’air frais dans le bâtiment. Celui-ci, très bien isolée, évite certes la perte de chaleur, mais il présente des risques de surchauffe notamment via les vitrages. Ainsi des lamelles en acier galvanisé ceinturent l’édifice et bloquent le soleil. Résultat: une lumière tamisée agréable pour les expositions et un système efficace pour éviter les surchauffes. Et en cas de forte canicule, le bâtiment présente une forte inertie et peut donc stocker du froid pendant la nuit. À cela s’ajoute l’ouverture des portes en parties inférieure (côté restaurant) et supérieure (côté esplanade) qui créent un important brassage de l’air ventilant de manière naturelle le bâtiment.

Des matériaux durables et surtout très stables
Les matériaux choisis ici sont durables par leur robustesse mais aussi par la possibilité d’être facilement démontés. Et si l’acier, le béton et l’aluminium impliquent des consommations d’énergie grise relativement importantes, il faut savoir que le pied du bâtiment, le long des quais, est inondable. Les murs doivent donc être capables de résister à la pression de l’eau sur un mètre cinquante ce qui rend impossible la construction en bois. De plus, pour éviter tout soulèvement, il fallait du poids et donc du béton.

L’expérience du lieu par les Namurois comme plus belle satisfaction
Le lieu a été adopté immédiatement par les Namurois. Le projet a fait mieux que cicatriser la plaie ouverte, il a transformé la blessure en quelque chose de positif où chacun vit une expérience agréable. La place ne désemplit pas et est adoptée par tous les publics. L’autre grande réussite du projet est la concertation et la bienveillance dont le projet a bénéficié malgré le nombre élevé d’intervenants. C’est ainsi, par exemple, que la passerelle a été prolongée d’une quinzaine de mètres pour permettre la création harmonieuse des gradins du projet de BEE Architect. Comme le souligne Philippe de Menten, tous les participants aux différents projets, très imbriqués les uns dans les autres, ont déployé une belle énergie positive pour que le résultat final soit ce qu’il est: une réussite.

Texte: Chantal Ernst
Photos: Philippe Piraux

 

BEE Architect
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