Plano architecten
De temps en temps, des projets à caractère social surgissent dans la carrière d’un architecte. Il s’agit souvent de projets qu’on réalise en tant qu’investissement personnel. Pour apprendre et emprunter de nouveaux chemins. L’église du cirque de Malem fait certainement partie de ces projets pour Plano architecten. C’est la cerise sur le gâteau d’une vaste étude participative pour développer une vision de Malem en tant que ville du futur.
Tout a commencé par une invitation de l’artiste Elly Van Eeghem à une époque où il n’était pas question de concours d’architecture pour l’église. « Elle lançait un projet artistique à Malem, une cité-jardin près de Gand qui, entourée par les méandres de la Lys, un peu comme île. Et depuis quelques années, aussi au sens figuré, car les boutiques d’antan ont disparu et l’église et l’école sont vides depuis un moment, à l’exception d’un seul artiste. En raison des problèmes qui en découlent, Elly a souhaité avoir une réflexion sur la future ville ensemble avec les habitants du quartier par le biais d’un projet artistique pour lequel elle souhaitait également un apport architecturale. Nous avons accepté le défi et avec elle avons mené une démarche participative dans le quartier pendant un an sur la co-création de l’espace public. Passionnant! »
C’est à la fin de cette année-là que l’église de Malem a été vendue à ‘Circusplaneet’ grâce à des subventions de la ville de Gand. Par intermédiaire, Plano architecten apprend qu’un concours de design est lancé pour le site. Ils n’hésitent pas un instant et se présentent. « Bien que nous soyons un petit bureau d’architecture et que nous n’ayons pas encore réalisé un tel projet, nous étions convaincus que nous pouvions offrir une valeur ajoutée, car grâce à ce parcours artistique, nous connaissions très bien le contexte . Finalement, nous avons gagné avec le concept avec la promesse de pouvoir aborder le programme à partir de l’approche participative rédigée grossièrement, et de le rattacher à notre parcours préabable. Car une église est un sujet sensible pour les habitants du quartier, il est le lieu où ils ont vécu des moments importants de leur vie. Ce que nous voulions respecter tout en découvrant ce dont le quartier avait besoin. Car en plus du contexte formel, le contexte humain est particulièrement important dans ce projet. »
Plano architecten a aussi mis ‘Circusplaneet’ au défi en les motivant à aller au-delà d’une simple église ouverte intégrant leur école de cirque. Offrir une place au quartier et favoriser la diversité fait déjà partie de leur ADN. Un appel auquel ‘Circusplaneet’ a répondu avec plaisir. Le maître d’ouvrage et l’architecte ont immédiatement fait bon ménage, car Plano architecten aime aussi travailler de manière participative dans le processus de conception. « Nous avons rendu visite à tous les employés et entraîneurs;nous avons aussi assisté à des spectacles pour nous familiariser avec le monde du cirque. Nous sommes même allés avec la direction à Bristol et à Paris où il existe déjà une vraie tradition d’écoles de cirque. En France, il y a de nombreuses grandes écoles dont nous nous sommes inspirés et en Angleterre, il existe plusieurs références de réaffectation d’églises à ces fins. Nous avons donc réalisé un travail très minutieux. Il semble maintenant que notre conception soit très subtile, et en fait elle l’est, mais elle répond à tout ce dont le client avait besoin. Et nous n’aurions jamais pu le faire sans une profonde empathie. En plus, des designs très simples sont généralement très bons. »
Les églises ont d’elles-mêmes déjà un un certain rayonnement et Plano architecten attache une grande importance à l’esthétique de tels bâtiments. Il était donc évident qu’ils voulaient en garder le plus possible en renforçant ce qui fonctionne bien. Ils ont réalisé le programme demandé avec de petites interventions qu’ils appellent eux-mêmes « des compliments pour le bâtiment » et qui ne sont pas irréversibles. La grande salle, où ils peuvent pratiquer et donner des spectacles, est très ouverte et flexible. En raison de l’utilisation intensive, un nouveau sol avec chauffage au sol a été installé. En raison de sa dureté, un sol en béton ciré a été choisi, tandis que les anciennes tuiles ont été récupérées pour l’entrée. Des recherches ont aussi été menées sur tous les éléments techniques du cirque et les capacités de charge maximales nécessaires pour gérer tous les exercices. En raison de la bonne structure du bâtiment existant, ils n’ont pas eu à fournir une nouvelle structure dédupliquée. Une structure de plate-forme en acier a été créée et elle s’harmonise parfaitement avec les lignes du plafond. Cela sert à la fois à fixer tous les appareils et à permettre à l’éclairage de fonctionner indirectement. Avec ses murs blancs et sa charpente métallique, la grande salle est comme une toile de fond neutre, avec des rideaux rouges théâtraux et que les artistes de cirque peuvent eux-mêmes interprêter de manière colorée avec leur propres attributs.
Une intervention qu’ils ont toutefois réalisée a été de construire deux murs dans les allées latérales pour fournir des vestiaires séparés pour les garçons et les filles. En raison de la position stratégique et des têtes arrondies de la salle, ces murs sont généralement cachés derrière des rideaux. Afin d’arrêter les autres fonctions indispensables du bâtiment, Plano architecten a opté pour un grand mur de verre en acier doublé qui sépare le hall, le foyer et les bureaux à la fois thermiquement et acoustiquement. Les bureaux ont un cadre sécurisé, car ils sont placés sur le jubé prolongé, de sorte qu’ils offrent aussi une belle perspective sur l’église. L’espace d’accueil en dessous est donc également à taille humaine. Et pour ces derniers, ils ont vu des opportunités de double usage, car lorsqu’il n’y a pas de représentations, le foyer sert de cafétéria de quartier.
Un point d’attention important pour Plano architecten était de rendre le site plus transparent et surtout d’impliquer le quartier dans cette nouvelle affectation. « Un bâtiment massif tel une église est automatiquement un bâtiment introverti qui se dirige vers le ciel. L’une des premières interventions que nous avons donc entreprises a été d’ouvrir définitivement le lourd portail en chêne à l’avant. Cela a été
possible grâce à une porte vitrée que nous avons enfoncée à deux mètres. Il est aujourd’ hui plus invitant parce qu’on peut voir l’activité. Cela éveille la curiosité. En plus, nous avons eu l’autorisation de ‘Monumentenzorg’ (que nous avons fortement impliqué dans le processus) de faire trois ouvertures sur le côté. Il y a par exemple un accès direct au foyer/cafétéria de quartier sans avoir à passer par le hall et aussi un lien direct avec l’école d’à côté, ce qui permet une pollinisation croisée. »
D’ailleurs, plus tard dans le processus, l’école a aussi été externalisée via un concours d’architecture. Ce prix a été remporté par les architectes NERO, avec qui ils ont collaboré autant que possible pour le quartier. Ils considèrent qu’il s’agit de fonctions complémentaires et en les réunissant, les deux projets insufflent littéralement un nouveau souffle au quartier. C’est la valeur des architectes qui conçoivent avant tout en fonction du contexte social. « Il est important d’adopter une attitude sobre en tant qu’architecte, ce qui est souvent contre notre nature. Et pourtant, nous avons obtenu beaucoup de satisfaction avec ce projet. D’abord parce que le bâtiment fonctionne comme il se doit et est utilisé au maximum pour le quartier. Ensuite parce que notre approche est également appréciée par les parties externes. Avec les architectes NERO, nous avons fait partie des 3 finalistes du Prix d’architecture de Gand en raison de la réalisation innovante et de notre implication à long terme. Nous ne nous attendions pas à ça, certainement pas avec des projets prestigieux en lice comme ‘De Waalse Krook’ et le ‘Boekentoren’. Nous avons également remporté l’argent aux ‘Belgian Building Awards’. Ces reconnaissances sont les meilleurs compliments que nous puissions recevoir. »
Texte: Sam Paret
Photos: Johnny Umans