360 architecten

Les projets complexes en milieu urbain représentent toujours un défi… En même temps, ils sont passionnants. Le projet « Leiekouter », à Gand, en est un bel exemple. Ce site au passé riche, qui comportait deux hôtels particuliers, a été négligé au fil des ans. Surtout du côté de la rive de la Lys, où les bâtiments ont été utilisés comme entrepôts ou bureaux fermés en façade. Dans le cadre de ce projet,
360architecten a voulu rétablir le lien avec le cours d’eau et livre un habitat de très grande qualité.

Le site, situé entre la Nederkouter et la Lys, s’étendant de la Tybaertsteeg à la Zoutstraat, présente un énorme dénivelé. De plus, les imposantes demeures étaient entièrement tournées vers la surplombante Nederkouter, artère essentielle du centre-ville à l’époque où ces bâtiments néoclassiques ont connu leur apogée, au XIXe siècle. Kris Buyse: « Ces deux hôtels particuliers sont connus sous le nom de l’Hôtel Legrand, mais il s’agit en fait de deux maisons de maître séparées, typiques de la riche bourgeoisie. Datant de la fin du XVIIIe siècle, elles appartenaient aux frères Legrand. Les deux bâtiments, de même structure, possédaient une impressionnante porte cochère et un hall d’entrée monumental attenant avec de grands salons au rez-de-chaussée et des jardins qui couraient jusqu’à la Lys. Des gloriettes typiques venaient compléter le tableau. Ces bâtiments présentent la particularité d’avoir été construits sur les fondations d’anciennes maisons de rangée, comme en témoignent les voûtes des caves médiévales. À la suite de leur réaffectation, au XXe siècle (transformation en bureaux), de nombreux éléments historiques ont été perdus. »

Lorsque Oryx Projects a fait l’acquisition de l’ensemble du site afin d’y créer des unités résidentielles, il a tout de suite été clair pour 360architecten que les deux hôtels, classés, devaient retrouver leur lustre d’antan. C’est pourquoi il a été fait appel à Origin, spécialisé dans la restauration de bâtiments et d’éléments présentant une valeur historique. Les espaces sombres et fermés au cœur de ces bâtiments ont été utilisés pour créer un nouveau noyau de circulation, relié à la porte cochère. Les anciens salons du rez-de-chaussée ont été restaurés. Ils ont intégré, au même titre que les escaliers monumentaux, deux spacieuses maisons de ville d’un étage et demi. Avec un total de 16 nouvelles unités, les hôtels particuliers ont retrouvé leur fonction résidentielle, mais sous une forme contemporaine.

Outre les deux hôtels classés, le projet Leiekouter comprend également trois volumes nouvellement construits, représentant près de 30 unités résidentielles supplémentaires, pour constituer un bloc urbain plus vaste. « Le cadre historique nous a servi de point de départ. Nous avons commencé par les anciennes structures des deux hôtels particuliers classés ainsi que l’ancienne fabrique de pianos. Nous les avons réunis en un seul site spacieux. Cependant, les nouveaux bâtiments n’ont pas simplement été reliés sur la ligne des façades, le long de la Nederkouter, ils ont également reçu une nouvelle orientation et une seconde face tournée vers l’eau. »

Les recherches historiques menées par 360-
architecten en collaboration avec Origin ont démontré que ce lien existait autrefois. Ainsi, les photographies attestent d’entrepôts, d’ateliers et de jardins joliment rythmés le long du cours d’eau. Dans le cadre de ce projet, les architectes ont donc voulu restaurer cette atmosphère et donner à la thématique de bord de Lys comme lieu de séjour une image contemporaine. Cette volonté a pu être concrétisée parce que le site en forte déclivité entre l’avant du bâtiment et la Lys permet une construction de second ordre en raison de sa profondeur, de son relief et de son orientation, et donc la création de façades urbaines actives tournées vers l’espace public qui se déploie sur l’autre rive.

Ces ambitions ont été traduites par 360-architecten dans la conception d’un bloc d’immeubles urbain. « Le bloc de construction est composé des bâtiments historiques longeant la Nederkouter et de volumes nouvellement construits avec le « bâtiment du parc » sur la Tiebaertsteeg, le « bâtiment du quai » sur les ruines de l’ancienne fabrique de pianos Hyfte et le « bâtiment d’angle » jouxtant la Zoutstraat et la Nederkouter. Nous avons ensuite coupé le bloc de construction à hauteur des deux allées. Ainsi, dans la profondeur du mur cellulaire, des vestibules naissent sous la forme d’espaces intérieurs pavés donnant accès à la fois aux volumes existants et aux nouveaux volumes. Enfin, nous avons complètement ouvert le bloc d’immeubles sur la rive. L’espace entre les nouvelles pierres angulaires de ce site livre un parc-jardin reliant la zone intérieure au cours d’eau et au petit parc qui le surplombe. Nous avons ainsi pu exploiter au mieux la double façade des parcelles. L’immeuble d’angle, surtout, a été un fameux casse-tête. Nous avons finalement choisi de placer deux nouvelles maisons mitoyennes dos au rez-de-chaussée commercial donnant sur la Leiekouter, de sorte qu’elles soient tournées vers le parc-jardin et la Lys. Elles sont construites en demi-niveaux épousant le terrain en déclivité, ce qui génère ainsi la qualité de vie nécessaire. »

Le complexe immobilier Leiekouter est situé en plein centre-ville. C’est l’une des raisons pour lesquelles, en ce qui concerne la matérialisation, nous avons opté pour la brique. « La sélection d’un seul type de brique pour tous les nouveaux bâtiments assure une cohérence claire entre les différents volumes. Avec la brique sélectionnée, nous avons également pu donner l’aspect solide et nuancé souhaité pour nos trois bâtiments urbains. Le choix d’un ton clair résulte de la situation et de l’échelle du projet. Nous pouvons de cette façon donner aux bâtiments plutôt grands une échelle appropriée. D’autre part, la nuance de couleur beige-ocre s’approche du grès de Balegem utilisé au bas du mur de quai original, en bordure de Lys.

La brique a été traitée avec un joint large et plein dans une couleur beige clair pour tempérer la couleur de base plutôt jaune de la brique et donner ainsi un ton plus clair sur les surfaces de la façade. La menuiserie en aluminium anodisé dans un ton bronze chaud donne de la vie aux façades. L’utilisation de différents éléments en béton blanc-beige acidifié et poli a également permis d’alléger l’aspect final. Les éléments en béton accentuent l’architectonique du bâtiment – plinthes, encadrements de portes et de fenêtres, seuils, linteaux, terrasses et corniches – et apportent du raffinement à la façade. Au niveau des allées, le béton a été laissé de côté. Les façades ont reçu leur propre accent grâce à des cadres métalliques avec volets qui permettent aux résidents de choisir eux-mêmes leur niveau d’intimité et de protection solaire.

360architecten s’efforce par ailleurs d’adopter une architecture durable dans chaque projet. À commencer par un gros œuvre intelligent, c’est-à-dire une structure de bâtiment qui peut être entretenue pendant 100 ans et qui offre une flexibilité suffisante en termes d’utilisation. Pour ce faire, on a travaillé ici avec de grandes portées de plancher, des plafonds hauts et un minimum d’éléments porteurs internes. Outre une structure architecturale bien pensée, cette ambition implique aussi la mise en œuvre de techniques durables telles qu’un système de chauffage collectif avec des pompes à chaleur et une vaste installation photovoltaïque. Les toitures végétalisées et l’adoucissement sont une autre facette de la durabilité, qui a aussi a été largement déployée sur ce site. Les places de stationnement en surface ont disparu au profit d’un parking sous le bâtiment du parc. Une luxuriante cour intérieure collective a ainsi pu être aménagée, offrant un espace vert de cohésion sociale et de communication au sein du bloc d’immeubles.

« La durabilité et la circularité vont de pair pour nous. C’est pourquoi, dans chaque projet, nous examinons à nouveau le traitement de questions telles que les matériaux, l’eau, la végétalisation et l’adoucissement. Il nous fut donc agréable de découvrir, lors du projet « Leiekouter », que le mur du quai avait été construit selon des techniques de maçonnerie ancestrales avec du mortier de chaux. Cela nous a permis de récupérer facilement les pierres. Nous avons appliqué la même méthode aux nouveaux murs du jardin et l’utilisons depuis lors dans nos nouveaux projets. Construire des façades avec du mortier de chaux et du mortier de jointoiement implique qu’elles peuvent être démontées ultérieurement et que les briques récupérées peuvent être entièrement utilisées à de nouvelles fins. La technique s’inscrit pleinement dans notre vision de la circularité. Ce que j’apprécie dans le projet « Leiekouter », c’est qu’il s’est appuyé sur les fondements solides du passé et a créé un cadre clair par rapport à la ville environnante. Le bloc urbain fermé d’antan a été ouvert autant que possible, tant par le biais de vues que d’une expérience verdoyante, et sans aucun doute grâce à la deuxième façade tournée vers la rive de la Lys. Un endroit calme dans la ville où il fait bon vivre et travailler. »

Texte: Sam Paret
Photos: Nick Cannaerts

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